Artificialisation des sols: les Français veulent bien densifier... mais à certaines conditions
Près de cinq terrains de foot par heure. C'est le rythme auquel les espaces naturels, agricoles et forestiers disparaissent en France. Soit 24.000 hectares chaque année, selon le ministère de la Transition écologique.
L’artificialisation des terres est l'une des causes de la perte de la biodiversité. Pour lutter contre ce phénomène, le gouvernement s'est fixé l'objectif de "zéro artificialisation nette" (ZAN) à l'horizon 2050. Plutôt que d'investir de nouveaux espaces, il veut revitaliser le coeur des petites et moyennes villes. Il s'agit en somme de construire la ville sur la ville, c'est-à-dire de densifier.
Un projet qui a un impact direct sur le quotidien des habitants, sur leur mode de vie et leur environnement. Un sondage, commandé par l’Ordre des géomètres-experts et réalisé par l’institut Opinionway, a donc tenté de comprendre ce qu'en pensaient les Français.
"Nous devons aujourd'hui tenir compte de leurs aspirations, de leurs réticences, pour rendre la trajectoire de sobriété foncière humainement acceptable", plaide Séverine Vernet, présidente du Conseil supérieur de l'Ordre des géomètres-experts.
L'enquête montre d'abord un niveau de connaissance assez hétérogène de l'artificialisation. Plus de la moitié des sondés (61%) déclarent connaître le terme, et un tiers seulement prétend bien voir de quoi il s'agit.
Le passage du principe au concret
Sur le papier, les sondés semblent largement adhérer à la lutte contre l'artificialisation des terres. 81% se disent favorables à la loi "Climat et Résilience" de 2021 concernant la densification urbaine et l'arrêt des constructions sur les espaces naturels et agricoles.
Sur le même principe, les personnes interrogées sont majoritairement (73%) en faveur d'une plus grande densité dans les îlots urbains qui bénéficient de jardins privés. Toutefois, si l’idée leur semble bonne, certains préfèreraient qu’elle se concrétise ailleurs que chez eux.
À la question: "Si vous habitiez un logement ou une maison jouxtant un jardin privé et qu’une nouvelle construction devait s’implanter à proximité, de quelle réaction seriez-vous le plus proche?", plus de la moitié répondent que cela leur donnerait envie de déménager.
Personnellement, 56% des personnes interrogées serait tout de même favorables à l'ajout d'étages supplémentaires aux bâtiments dans leur quartier afin d’accueillir plus de logements.
"On voit qu'en matière de sobriété foncière, le passage du principe au concret pose des difficultés. C'est le signe que les oppositions peuvent être assez fortes sur le terrain et se transformer en contestations", analyse Bruno Jeanbart, vice-président d'Opinionway.
"Ces résultats nous confortent dans notre volonté", estime de son côté Séverine Vernet. "La sobriété foncière ne peut réussir sans la compréhension et l'adhésion de la population. Impliquer l'opinion publique dès le départ va permettre d'adapter la stratégie aux préoccupations des habitants."
Densifier, tout en améliorant la qualité de vie?
Pour mieux comprendre quelles politiques publiques seraient acceptables, il faut tenter de comprendre à quoi aspirent les habitants, ce qui leur tient vraiment à coeur. Selon ce sondage, dans un logement, les personnes interrogées valorisent le calme et la tranquillité (66%), la vue et la luminosité (65%), la présence de verdure (40%) et de commerces (32%).
Sans surprise, les constructions les plus rejetées seraient, de loin, celles qui font de l’ombre ou diminuent la luminosité du logement (90% les trouveraient gênantes), celles qui cachent la vue (88%) et celles qui ont une vue sur l’habitation, le balcon ou le jardin (85%).
Pour ceux qui envisagent de déménager, 39% voudraient changer pour vivre dans un endroit plus calme, moins peuplé. Mais le sondage montre aussi que beaucoup sont prêts à des concessions.
Ainsi, afin de limiter l’utilisation de nouvelles terres agricoles pour l’urbanisation, la grande majorité serait prête à loger en zone urbaine, avec une préférence pour le centre-ville (48% des citations) ou la périphérie d'une agglomération (48%), plutôt que pour le centre-bourg d’une commune rurale (36%).
Certaines conditions les pousseraient aussi à accepter une augmentation du nombre de logements et de bâtiments dans leur quartier. Il faudrait notamment une plus grande proximité avec la nature et les espaces verts (36%) et une augmentation des services apportés aux habitants du quartier (29%).
Ainsi, comme le précise le site vie-publique.fr, "encourager cette densification implique également, en terme d'acceptabilité sociale, de favoriser la qualité urbaine et un certain retour de la nature dans les villes".
Sondage réalisé sur un échantillon de 1004 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, interrogé via un questionnaire autoadministré en ligne les 14 et 17 juin 2024.
L’échantillon a été constitué selon la méthode des quotas, au regard des critères de sexe, d’âge, de catégorie socioprofessionnelle, de région de résidence et de statut d’habitation.