Atos lance les négociations de son sauvetage
Cette fois le temps presse chez Atos. Le groupe d’informatique a entamé un marathon pour boucler sa restructuration d’ici la fin de l’année. La vente de ses activités informatiques à Daniel Kretinsky, le refinancement de sa dette et son augmentation de capital sont les trois piliers du plan que doit finaliser le nouveau président d’Atos, Jean-Pierre Mustier.
Selon nos informations, le groupe est entré la semaine dernière "dans le dur des négociations" avec l’homme d’affaires tchèque pour revoir les termes de la vente des activités historiques de services informatiques. "C’est la priorité", confirme un proche du groupe. Daniel Kretinsky ne sera finalement pas actionnaire d’Eviden, la branche dédiée notamment à la cybersécurité et aux supercalculateurs. Une levée de bouclier de parlementaires et de fonctionnaires du ministère des Armées a rendu impossible son investissement dans ces activités de souveraineté nationale.
En échange, Atos avait consenti à ce que Daniel Kretinsky verse seulement 100 millions d’euros pour racheter ses métiers en déclin. Le groupe cherche désormais à récupérer un peu plus.
"On peut espérer avoir 150 millions d’euros en plus", nous expliquait récemment un bon connaisseur du dossier.
Ensuite, le groupe doit préciser le renflouement des activités logées dans Eviden: les applications digitales, supercalculateurs et cybersécurité. L’augmentation de capital de 900 millions d’euros sera difficile à mener alors que le cours de Bourse d’Atos est très bas. Le groupe étudie des alternatives et a rouvert le sensible dossier de la vente des activités de cybersécurité et de supercalculateurs (BDS). "Atos regarde cette option et échange avec Airbus", explique une source proche du dossier.
"Il y a des contacts mais rien de très avancé", minimise un proche de l’avionneur qui a toujours été intéressé par ce rachat.
Mais selon nos informations, la direction n’y est pas très favorable. "Cela reviendrait à démanteler Atos et à laisser les activités d’applications digitales à OnePoint", résume un bon connaisseur du dossier.
Layani remplace Kretinsky
La société fondée par David Layani a racheté 9,9% du capital début novembre et s’impose chez Atos. Elle a toujours lorgné ces métiers d’applications digitales mais se verrait bien aussi conserver la cybersécurité. OnePoint vient de lever 500 millions d’euros auprès du fonds d’investissement Carlyle.
"En investissant 300 millions d’euros dans le cadre de l’augmentation de capital, OnePoint peut prendre le pouvoir chez Atos", explique une source proche de la société.
David Layani devrait ainsi remplacer Daniel Kretinsky comme investisseur de référence pour l’augmentation de capital d’Eviden.
Les petits actionnaires, eux, refusent une telle opération qui les diluerait. Ils militent pour des "économies de coûts d’au moins 500 millions d’euros dès 2024, selon Hervé Lecesne, l’un d’eux. Notamment à travers une pause des recrutements pendant un an". Selon plusieurs sources, le président Jean-Pierre Mustier a engagé une "rationalisation des coûts mais exclut de stopper les recrutements, un élément clé dans les métiers d’Atos".
Autre piste qui circule: la vente de Syntel, la filiale américaine d’Atos qui vaut environ 1,5 milliard d’euros. Des actionnaires la poussent, encouragés par des concurrents, comme Inetum qui rêve de mettre la main dessus. Mais cette option est exclue par la direction. "La moitié du marché mondial de l’informatique est aux États-Unis, on ne va pas s’en priver!", abonde un proche du groupe.
Les banques veulent des garanties
Enfin, Atos va entamer des discussions avec ses banques alors qu’il doit refinancer un crédit de 1,5 milliard d’euros et une ligne de trésorerie de 900 millions d’euros. L’objectif est de repousser de deux ans leurs échéances, de 2025 à 2027. Selon plusieurs sources, les deux principales banques, BNP Paribas et J.P. Morgan, sont favorables à refinancer ces prêts mais demandent en contrepartie qu’ils soient garantis sur les filiales opérationnelles d’Atos. Des banquiers s’inquiètent d’une crise de liquidité du groupe en 2024 et de perdre leurs créances actuelles qui ne sont pas garanties.
Certains estiment qu’une procédure de conciliation, sous l’égide du ministère de l’Économie, permettrait de sécuriser la restructuration d’Atos. Ils craignent que des fonds d’investissement spéculatifs pèsent dans la négociation comme cela s’est fait chez Casino. Selon un banquier, une créance d’environ vingt millions d’euros a déjà été vendue par une banque d’Atos à un fonds d’investissement.
Mais une conciliation n’est, pour le moment, pas du tout envisagée. Un proche d’Atos assure que Jean-Pierre Mustier, ancien patron de la banque italienne UniCredit, a le soutien du patron de BNP Paribas. Jean-Laurent Bonnafé et lui étaient "copains de promo" à Polytechnique.