Bac philo 2024: 7 conseils pour ne pas se planter lors de l'épreuve
C'est l'une des épreuves les plus redoutées du baccalauréat: les 543.369 élèves de terminale des voies générale et technologique plancheront, ce mardi 18 juin, sur la philosophie. Suivront les épreuves écrites de spécialité, du 19 au 21 juin et le grand oral entre 24 juin et le 3 juillet.
Deux professeurs de philosophie livrent leurs conseils pour que les candidats et candidates mettent toutes les chances de leur côté durant les quatre heures où ils vont plancher et évitent les erreurs qui font mauvaise impression.
1. Ne pas réciter son cours
Le programme de philosophie comporte 17 notions dans la filière générale - dont l'art, le bonheur, le devoir, l'État ou l'inconscient - et sept dans la voie technologique. "La première erreur est de penser que le programme est fractionné en 17 chapitres étanches", met en garde pour BFMTV.com Jean-François Dejours, professeur de philosophie et responsable du groupe philosophie au Snes-FSU. "Les sujets font rarement appel à une seule notion, ce sont plutôt des sujets hybrides, mixtes."
Cet enseignant prend ainsi l'exemple d'un sujet sur l'art, souvent lié à d'autres notions comme la technique, la vérité ou la nature. "Il ne faut pas s'attendre à un sujet compartimenté mais se rappeler que les notions interagissent entre elles. Le principe de la philosophie, c'est de les faire dialoguer."
Pour le professeur de philosophie Gilles Vervisch, auteur de Star Wars, la philo contre-attaque, l'idéal est de "tout oublier" les vingt premières minutes de l'épreuve, sans même se demander à quelles notions le sujet fait référence, pour se réapproprier la question.
"Souvent, les élèves se jettent sur le sujet et récitent leur cours, mais c'est la meilleure manière pour faire un hors sujet", prévient-il pour BFMTV.com. "Il y a 99% de chances que le sujet donné ne soit pas le même que celui vu en cours."
2. Ne pas se jeter sur la copie
La première heure et demie doit impérativement être réservée à la réflexion, estime Jean-François Dejours. On se force donc à lâcher la copie pour se concentrer sur le brouillon.
"Souvent, les élèves voient leurs voisins commencer à gratter dès la première demi-heure et angoissent de la page blanche alors ils se précipitent sur leur copie, mais c'est l'inverse qu'il faut faire. C'est sur la réflexion qu'on évalue les candidats, pas le remplissage."
Il ne s'agit pas non plus de rédiger intégralement la copie au brouillon. "Le brouillon, c'est un conducteur, un plan", insiste cet enseignant. Seules l'introduction et la conclusion doivent ainsi être rédigées au brouillon. "C'est très important de soigner son entrée et sa sortie."
Dans le détail, cet enseignant rappelle que l'introduction "questionne le sujet" et la conclusion retrace "le cheminement de la réflexion". "Je vois trop souvent des copies qui répondent à la question dès l'introduction et pose la question dans la conclusion."
3. Ne pas se contenter de reformuler le sujet
Trouver la question du sujet, c'est la clé de l'épreuve. "Le nerf de la guerre", appuie le professeur de philosophie Gilles Vervisch. "Une copie qui problématise dès l'introduction a déjà la moyenne et a contrario, il est difficile de mettre plus de 10 à une copie qui ne problématise pas."
Il détaille ainsi son propos avec un exemple de sujet: peut-on être heureux sans être libre? "Spontanément, on répond non, avec l'exemple de la privation de liberté comme punition par excellence", argumente-t-il."Mais on peut aussi répondre: 'ça dépend'."
"C'est le principe de la philosophie: au moins deux réponses s'opposent. Un sujet de philosophie soulève toujours un paradoxe, c'est ce paradoxe qu'il faut problématiser."
Gilles Vervisch envisage ainsi comme problématique au sujet proposé: la liberté est-elle un moyen ou un obstacle au bonheur? Il rappelle que la problématique doit faire ressortir les notions-clés du sujet et la relation entre elles qui pose problème. "Il ne s'agit pas de simplement reformuler le sujet."
Jean-François Dejours cite un autre exemple: l'art imite-t-il la nature? "Le mot création ou production n'apparaît pas dans le sujet mais c'est pourtant bien là que réside la problématique, pointe-t-il. Dans une question de philosophie, il y a toujours plusieurs réponses possibles. Il faut donc repérer le problème contenu dans la question."
4. Bien réfléchir à la structure
Une question de philosophie appelle "au moins deux réponses qui se tournent le dos", remarque Jean-François Dejours, mais sans forcément relever de la sempiternelle thèse/antithèse. Il estime ainsi que, selon le sujet, un plan en deux parties peut faire l'affaire.
Ce n'est pas le point de vue de Gilles Vervisch, également auteur de Peut-on réussir sans effort ni aucun talent? Les mirages du mérite, qui juge incontournable le plan en trois parties.
"Dans une première partie, on peut défendre l'idée du sens commun, ce qui paraît le plus évident. Pour en revenir au sujet 'peut-on être heureux sans être libre?', on pourrait défendre l'idée que le bonheur consisterait en l'absence de contraintes."
Dans la deuxième partie, il ne s'agit pas de se contredire, poursuit Gilles Vervisch. "La deuxième partie, c'est une objection, une nuance, un autre point de vue." Dans le cas du sujet 'peut-on être heureux sans être libre?', la deuxième partie pourrait défendre l'idée que le bonheur est lié au sentiment de liberté.
Quant à la troisième partie, il s'agit selon cet enseignant de "résoudre" la contradiction: "La dissertation progresse, prend de la hauteur de vue." Une dernière partie qui peut être plus courte que les deux premières.
"Pour le sujet 'peut-on être heureux sans être libre?', l'idée pourrait être celle des stoïciens: le vrai sage est celui qui est heureux quelles que soient les circonstances, parce qu'il est libre dans sa tête. La vraie liberté, ce serait donc se rendre indifférent au malheur."
5. Ne pas juxtaposer les parties
Autre point sur lequel insiste Gilles Vervisch: la construction de la dissertation. Il ne s'agit pas selon lui de juxtaposer les parties les unes aux autres mais d'un enchaînement logique: "Une dissertation, c'est en enchaînement de neuf paragraphes (trois paragraphes par partie dans l'idéal, NDLR) qui se répondent. Le deuxième est une objection au premier, le troisième une réponse au deuxième... Si bien que l'on se retrouve avec une succession de neuf réponses et objections qui se répondent en cascade. C'est implacable."
Quant à la longueur totale de la dissertation: pas en dessous de quatre pages, mais pas au dessus de huit.
6. Ne pas négliger la conclusion
Si la troisième partie peut être plus courte que les deux premières, il est cependant indispensable de rédiger une conclusion. "La conclusion répond au sujet, qui était dans notre exemple 'peut-on être heureux sans être libre?'" définit Gilles Vervisch.
"Une dissertation ne consiste pas à répondre à une question par 'oui' ou 'non' ou 'ça dépend' mais à expliquer pourquoi la réponse est compliquée. On ne répond pas à une question, on explique pourquoi on ne peut pas répondre."
Presque comme pour un problème de mathématiques: la démonstration s'avère plus importante que la réponse.
7. Citer des philosophes, mais à bon escient
Point trop n'en faut. Gilles Vervisch recommande une référence philosophique par partie. "Il n'est pas nécessaire de citer un auteur par cœur. Il s'agit plutôt d'évoquer l'idée et de développer la pensée. Attention, un auteur n'est pas un argument d'autorité."
Pas question donc de citer, dans un même paragraphe, plusieurs auteurs à la chaîne. "On n'écrit pas une dissertation en disant Platon pense ça, mais Kant pense ça et Bergson pense autre chose. On peut citer Hegel et que ce soit nul et au contraire citer Squid Games et que ça dise quelque chose."
Et s'il est possible de citer des œuvres littéraires, des films ou des BD, attention à ne pas trop en faire.
"Je me souviens d'un élève qui m'avait résumé un manga sur plus d'une page, ça n'avait aucun intérêt", poursuit-il. "Une dissertation, ce n'est pas une fiche de lecture."
Mais par exemple évoquer la fable Le Loup et le chien ou le film The Truman Show sur le sujet 'peut-on être heureux sans être libre?', "cela fait sens", estime Gilles Vervisch. "Je préfère même qu'on me parle de Batman si on en fait quelque chose plutôt que de Proust si on ne l'a pas lu. La philosophie, ce n'est pas du name-dropping."