Boeing: la mère d'une victime française dénonce un accord "complaisant" avec la justice américaine
Catherine Berthet, qui a perdu sa fille Camille dans l'accident d'un Boeing 737 Max 8 d'Ethiopian Airlines le 10 mars 2019 près d'Addis Abeba, dénonce lundi la "complaisance honteuse" de l'accord de plaider coupable entre le constructeur et le ministère américain de la Justice (DoJ).
"En offrant sur un plateau cet accord plus que complaisant (...) à Boeing, le DoJ fait preuve d'une faiblesse et d'un mépris manifeste à l'égard des familles de victimes et de l'intérêt public", indique-t-elle dans une déclaration transmise à l'AFP par ses avocats.
"La justice américaine, qui devrait être un exemple pour le monde entier, montre en réalité une complaisance honteuse face à ceux qui privilégient la rentabilité et l'image à court terme sur la sécurité de (leurs) passagers", déplore-t-elle.
Les familles ont déposé dans la foulée de l'annonce une motion de contestation et réclamé une audience auprès du juge fédéral du Texas Reed O'Connor, chargé de cette affaire. Elles réclament depuis l'origine la tenue d'un procès.
"Cet accord est une folie sur le plan de la sécurité aérienne. Il témoigne du mépris et de la surdité du DoJ face aux auditions des lanceurs d'alerte (...), aux rapports d'experts et à l'accroissement plus qu'inquiétant des incidents", estime Catherine Berthet. Selon elle, le ministère a proposé "le même accord aux petits oignons, inique" offert en janvier 2021, relève-t-elle.
346 morts
Elle fait référence à l'accord dit de poursuites différées (DPA) conclu entre Boeing et le ministère le 7 janvier 2021, en connexion avec le crash d'Ethiopian Airlines ainsi qu'à celui d'un 737 Max 8 de la compagnie indonésienne Lion Air le 29 octobre 2018. Ces crashes ont fait 346 morts.
Cet accord imposait notamment à Boeing d'améliorer son programme de conformité et d'éthique. Mais le groupe a cumulé pendant de longs mois des problèmes de production et de qualité, et un incident le 5 janvier sur un 737 Max 9 d'Alaska Airlines a entraîné depuis moult retombées judiciaires, politiques, réglementaires et de gouvernance.
En particulier, le ministère a estimé que le groupe n'avait pas respecté ses engagements du DPA, qui prévoyait une mise sous surveillance de trois ans. C'est cette remise en cause qui a entraîné le plaider coupable.
"Une fois encore, (...) le DoJ fait fi des familles en ne mentionnant dans l'accord de 'plea deal" aucune des victimes", souligne Catherine Berthet.
Il appartient désormais au juge fédéral de valider ou non cet accord. "Je suis, nous sommes confiants. Nous croyons en l'honnêteté et la clairvoyance du juge O'Connor", poursuit Catherine Berthet.