Commerce extérieur: laminée par les crises, la France est toujours à la peine
40 milliards d'euros de déficit en plus en quatre ans. Voilà la triste performance du commerce extérieur français entre 2019 et 2023. Avant la pandémie, le déficit commercial, déjà très élevé, était inférieur à 60 milliards. En 2023, il a évité de justesse le palier symbolique des 100 milliards, s'établissant à 99,6 milliards d'euros sur l'année.
Un très léger ouf de soulagement pour l'exécutif, qui avait tablé sur un déficit de 105 milliards dans le dernier budget, et qui redoutait de dépasser pour la deuxième année consécutive le seuil symbolique des 100 milliards d'euros. Mais le gouvernement ne se leurre pas et sait que les performances commerciales ne cessent d'enchaîner les mauvais records année après année: 65 milliards de déficit en 2020, 85 en 2021 et un catastrophique 164 milliards en 2022.
La faute à une facture énergétique qui avait explosé avec la guerre en Ukraine, les difficultés de notre parc nucléaire, la forte dépréciation de l'euro face au dollar, et l'achat de GNL au prix fort pour compenser en urgence l'arrêt des importations de gaz russe. La flambée de la facture énergétique avait representé à elle seule 86% de l'aggravation du commerce extérieur en 2022, comparé à 2021.
Rebond dans l'énergie et les exportations
Mais (presque) plus rien de tel en 2023. La situation énergétique s'est sensiblement améliorée: les prix de marché ont baissé, et la France est redevenue exportatrice nette d'électricité. Un retournement qui explique en grande partie le "redressement" du commerce extérieur l'an dernier.
Un retour à meilleure fortune qui ne veut pas dire que le sujet énergétique est réglé, loin s'en faut: la facture 2023 reste 23 milliards d'euros plus élevée que celle de 2021, avant le déclenchement de la guerre en Ukraine. L'énergie est restée un facteur de contre-performance commerciale, notamment à cause des importations de gaz et de leurs niveaux de prix.
Autre bonne nouvelle: les exportations augmentent et les importations baissent. Les achats à l'étranger baissent de 7,1%, après deux années consécutives de hausse à deux chiffres. Et les exportations progressent de 1,5%. Mais le niveau de départ des deux postes est tellement éloigné que le déficit reste abyssal: 607 milliards d'euros d'exportations en 2023 contre 731 milliards d'importations. Et la progression des ventes à l'étranger ralentit nettement, après deux années de croissance là aussi à deux chiffres.
Le secteur des transports en souffrance
L'insuffisance de nos exportations reste donc la cause structurelle de nos difficultés commerciales et beaucoup de filières ont perdu des positions l'an dernier: agriculture, chimie, metallurgie, bateaux et porte-conteneurs, pharmacie.
L'automobile est clairement à la peine avec un solde commercial qui s'est encore degradé l'an dernier, de 3,4 milliard d'euros. La France exporte des voitures thermiques, mais importe encore davantage des véhicules hybrides et thermiques, en provenance d'Allemagne et de Chine.
Et dans l'aéronautique, notre point fort historique, le solde commercial s'améliore encore, de 5,8 milliards d'euros. Mais les volumes sont toujours 13% inférieurs à leurs niveaux de 2019, à cause de la désorganisation mondiale de la chaîne d'approvisionnement. Résultat, la branche transports au sens large (automobile, fluvial, aéronautique, spatial), qui pèse très lourd dans notre balance commerciale, est aujourd'hui trois fois moins performante qu'en 2019.
La triste exception française en Europe
Avec ces contre-performances, la France est une triste exception dans le commerce extérieur européen. Elle est le seul grand pays de la zone euro en déficit commercial, d'après une récente étude de Rexecode. Le commerce extérieur de la zone euro a progressé de 3,9% l'an dernier. L'Allemagne, malgré ses immenses difficultés, reste excédentaire, l'Italie ralentit mais reste dans le vert, et l'Espagne accélère.
La France est donc le seul grand pays européen à ne pas réussir à remonter la pente. Certes, la France gagne en un an 0,2 point de part de marché sur le gâteau du commerce mondial. Mais nos rivaux européens progressent au moins autant. Et surtout, la part de marché française reste historiquement faible, à 2,7%. Contre 3% avant le début des crises en 2019. Et plus de 5% au début des années 2000.
Sortir de ces abysses va donc prendre du temps. L'exécutif veut remonter la part de l'industrie dans le PIB de 10 à 15% d'ici à 2030. Et en attendant, la majorité ne se fait guère d'illusions: le déficit commercial devrait encore flirter avec les 100 miliards d'euros cette année. Il est attendu à 95 milliards d'euros d'après le budget 2024. Et c'est avant la probable révision par Bercy de sa prévision de croissance pour cette année.