Conflit Iran-Israël: le blocage du détroit d'Ormuz provoquerait une nouvelle guerre du pétrole
Pour l'instant, le prix du pétrole ne s'envole pas. C'est un résumé des conséquences de l'attaque de l'Iran contre Israël sur les prix du pétrole qui ont même légèrement baissé après cette offensive. Téhéran a lancé 300 attaques de drones et de missiles balistiques dont 99% ont été interceptés grâce à la défense aérienne israélienne avec les forces combinées des Etats-Unis, du Royaume-Uni, de la France et de la Jordanie.
Le prix du baril de Brent de la mer du Nord, pour livraison en juin a cédé 0,38% à 90,10 dollars. Son équivalent américain, le baril de West Texas Intermediate (WTI), pour livraison en mai, a baissé de 0,29% à 85,41 dollars. Les deux références mondiales du pétrole ont ainsi perdu du terrain, "le marché considérant que la désescalade est la voie la plus probable malgré l'attaque iranienne" durant le weekend, commentent les analystes de DNB.
"L'affaire peut être considérée comme close", a annoncé la mission iranienne à l'ONU dans un message posté trois heures après le début de son opération. "Une invitation claire à la désescalade", pour les analystes de DNB qui restent attentifs à une situation des plus instables.
"Les risques géopolitiques resteront élevés dans les semaines à venir, ce qui mettra les marchés du pétrole (...) sur le qui-vive", confirment les analystes de DNB.
"Les marchés sont actuellement dans l’attente. Si une riposte israélienne devait se concrétiser, cela aurait un impact haussier", confirme Francis Perrin, spécialiste des questions énergétiques, dans un entretien à L'Express.
Les regards se portent désormais sur le détroit d'Ormuz que l'Iran menace de bloquer en cas de durcissement des sanctions sur l'exportation du pétrole. Comme pour lancer un avertissement, les forces spéciales maritimes des Gardiens de la révolution iraniens ont saisi un porte-conteneurs le 13 avril. Ce navire de l'armateur italo-suisse Mediterranean Shipping Company (MSC) appartient à Gortal Shipping Inc, qui est affilié à Zodiac Maritime. "Il y a 25 membres d'équipage à bord", a confirmé MSC.
Un acte de guerre
Ce passage est un point stratégique du transport naval de pétrole entre les pays producteurs du Moyen-Orient avec les marchés non seulement européens et nord-américains, mais aussi asiatiques. Ce serait la région la plus militarisée du monde. En 2022, plus de 20 millions de barils de brut y sont passés chaque jour, selon l'Agence américaine de l'Énergie (EIA).
Reliant le golfe Persique au golfe d'Oman, ce détroit débouche sur la mer d'Arabie, entre l'Iran et le sultanat d'Oman. Long de 63 kilomètres, il est particulièrement vulnérable à cause de sa faible largeur (à peine 40 kilomètres) et de sa profondeur qui n'excède pas les 60 mètres. L'Iran utilise régulièrement ce moyen de pression sur ce passage où la liberté de navigation est pourtant assurée par la convention des Nations unies sur le droit de la mer.
Pourtant, au cours des deux dernières années, la marine des Gardiens de la Révolution aurait tenté de s’emparer d'une vingtaine de navires, selon le Pentagone. Mais, l'Iran tient-elle vraiment à bloquer ce passage ou à agiter un chiffon rouge? Pour Francis Perrin, une telle décision provoquerait inévitablement un conflit dans lequel Téhéran serait pleinement responsable. "Si [l'Iran] prenait cette décision, il y aurait la guerre après-demain, c’est aussi simple que cela", affirme l'expert.
"Bloquer le détroit d'Ormuz serait un acte de guerre. On ne se contentera pas de saisir le Conseil de sécurité des Nations unies, la réplique sera militaire", affirme Francis Perrin.
Même la Chine, pourtant partenaire de l'Iran à travers les Brics, groupement de onze pays parmi lesquels la Russie, l'Inde, l'Égypte ou les Émirats arabes unis, ne verrait pas cette option d'un bon œil. Comme les Etats-Unis, Pékin dispose de navires de guerre dans le détroit à la fois pour protéger ses intérêts, mais aussi pour inciter "les pays riverains afin de ne pas perturber le trafic maritime".
Promesse d'une riposte israélienne
Les tensions sur ce détroit ne seraient pas une première. Elles durent depuis la fin des années 70 et se sont intensifiées au début des années 80 avec la guerre Iran-Irak.
"Les pays du Golfe accusent les Iraniens d’avoir une velléité hégémonique sur la région et l'Iran les accuse d’être à la solde des Américains", expliquait à Franceinfo Didier Billion, directeur adjoint de l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS).
En 1984, lors de la guerre dite des pétroliers, des centaines de navires ont été détruits ou endommagés par des attaques. Un avion de ligne iranien a même été abattu dans le détroit par une frégate américaine tuant 290 personnes. L'équipage affirmait avoir pris cet appareil civil pour un chasseur iranien. En 2019, les tensions entre l'Iran et les Etats-Unis toujours liées aux sanctions ont conduit à des incidents sans pour autant jamais franchir la ligne rouge.
Cette ligne sera-t-elle franchie en cas de riposte israélienne contre l'Iran? Lundi, le chef d'état-major de l'armée israélienne, Herzi Halevi, déclarait qu'Israël riposterait à l'attaque de drones et de missiles lancée par Téhéran. Téhéran affirme que dans cette situation, elle répliquera.
"Nous déclarons catégoriquement que la moindre action contre les intérêts iraniens fera certainement l'objet d'une réponse sévère, généralisée et douloureuse contre tout auteur", a déclaré le président iranien à l'émir du Qatar, Tamim ben Hamad Al Thani.