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Dette: cet ancien conseiller de la Cour des Comptes appelle à ne "pas envoyer les règles européennes aux orties"

L'arrivée possible de la gauche remet au centre des débats la question de la dette, qu'elle souhaite financer par des recettes. Pour le moment, les marchés sont calmes.

L'important ne serait peut-être pas de respecter les règles européennes, mais de le feindre. Alors que le Nouveau Front Populaire discute de sa possible arrivée au gouvernement, la question de la dette émerge de nouveau: le programme de la gauche, marqué par de nouvelles dépenses massives, interroge les oppositions.

François Ecalle, ancien conseiller à la Cour des Comptes et président de Fipeco, souligne que le nouvel équilibre politique, où le centre libéral est mis en minorité, devrait favoriser un nouveau creusement des déficits. À court terme en tout cas.

"Je ne vois pas comment on pourrait changer de trajectoire budgétaire: la seule chose sur laquelle l’Assemblée peut s’entendre, ce sont de nouvelles dépenses, comme sur l'abrogation de la réforme des retraites", estime François Ecalle sur BFM Business ce mardi 9 juillet.

Or, pour simplement stabiliser la dette, des économies d'ampleur auraient dû être envisagées, selon l'expert. C'était le sens du vaste plan d'économies lancé par le gouvernement Attal, comprenant notamment 20 milliards d'euros de coupes budgétaires en 2025 - un plan destiné notamment à rassurer Bruxelles et son conformer aux règles du Pacte de stabilité, réintroduit fin avril.

Il avait néanmoins été jugé irréaliste au printemps par la Cour des comptes, au vu des projections très ambitieuses de croissance, difficiles à conjuguer avec un resserrement des finances publiques. La gauche, elle, veut désormais s'appuyer sur de nouvelles recettes (rétablissement de l'ISF, suppression des niches, impôt sur l'héritage...), qui surcompenseraient les nouvelles dépenses, selon le chiffrage réalisé par plusieurs économistes.

L'exemple Liz Truss n'est pas représentatif

François Ecalle juge de son côté que le constat est clair: "La dette publique augmente et va allègrement vers les 120 points de PIB." Avec des risques de marché: jusqu'ici, le CAC40 a légèrement décroché, sans sombrer, tandis que le spread (soit l'écart entre les taux d'emprunt de la France et de l'Allemagne) ne s'est que peu distendu.

"Les économistes ne peuvent jamais dire à quel montant de dette les marchés vont s’inquiéter", souligne François Ecalle.

"Ce qui est important, c’est de ne pas se heurter à l’UE, qu’on fasse semblant de se conformer aux exigences européennes", poursuit-il. "Un gouvernement qui enverrait les règles aux orties pourrait conduire à quelques inquiétudes."

La BCE a en effet toujours la possibilité d'intervenir pour acheter des titres de dette français en cas de panique - d'autant plus que la France est considérée comme too big to fail ("trop importante pour faire faillite").

Un exemple récent de cette panique financière est celui du gouvernement britannique de Liz Truss, forcée à la démission fin 2021. "Elle a présenté un budget non financé avec une hausse de la dette, et les taux sont montés d’un coup", rappelle François Ecalle. "Cela peut arriver dans ce genre d’occasion: un évènement nouveau dans la sphère politique."

Mais les ressorts de l'épisode britannique laissent à penser que ce scénario est improbable concernant la France: à l'époque, les fonds de pension, qui gèrent les retraites des habitants outre-Manche, se sont trouvés en grande difficulté du fait de la hausse des taux.

Quand ces taux d'intérêt augmentent, la valeur des obligations de dette existantes baisse en effet, ce qui a diminué brutalement le portefeuille et les liquidités des fonds de pensions. C'est avant tout la stratégie risquée de ces organes essentiels à la protection sociale qui a précipité le départ de l'éphèmère Première ministre britannique. Or, ils sont quasiment absents du marché français.

Valentin Grille