Du "racisme du quotidien": le député Steevy Gustave visé par des remarques sur ses dreadlocks à l'Assemblée
Steevy Gustave, député nouvellement élu dans l'Essonne, ne s'attendait pas à une telle rentrée. Mardi 9 juillet, jour d'arrivée des Écologistes au Palais-Bourbon, ce fils d'une mère cap-verdienne et d'un père martiniquais, raconte avoir essuyé une première remarque sur ses cheveux. En costume-cravate, il portait fièrement dans les couloirs ses longues dreadlocks.
Il assure qu'au milieu d'une foule de députés, un homme, plutôt grand, entre 65 et 70 ans, l'a abruptement interpellé:
"T'es député toi? T'es député, toi? Coupe-toi les cheveux alors", a-t-il alors entendu, d'après son témoignage auprès de BFMTV.com, confirmant une information de Mediapart.
Le néo-député estime que la personne qui s'en est pris à lui est certainement un parlementaire comme lui. "Il n'y avait que des élus là où j'étais. Le soir en rentrant chez moi, j'étais pas bien. J'ai cherché le lendemain l'identité de cette personne, mais je n'ai pas retrouvé. On est tous dispatché à droite à gauche en ce moment", nous raconte Steevy Gustave.
Vague de soutien
Sur X (ex-Twitter), après la révélation de l'incident, les élus écologistes ont abondé de messages en soutien à leur nouveau collègue. "Non mais ça va pas non?", a réagi Marine Tondelier, avant de s'adresser à Steevy Gustave. "Reste exactement comme tu es, c’est comme ça qu’on t’aime."
L'ex-présidente des députés écologistes, Cyrielle Chatelain, a dénoncé "des propos racistes absolument honteux". "Je suis très fière de siéger à ses côtés."
La secrétaire adjointe du mouvement, Sandra Regol, abonde: "Spoiler: la force des députés ne réside pas dans leur coupe de cheveux. Soutien à mon collègue qui vit encore du racisme, même à l'Assemblée nationale." "Le racisme est un délit", rappelle-t-elle.
Lors d'une niche parlementaire en mars, l'Assemblée avait d'ailleurs fait adopter un texte contre les "discriminations capillaires". Celui-ci, rapporté par le député de Guadeloupe Olivier Serva, a été voté dans un relatif consensus. Cette proposition de loi entend notamment interdire aux employeurs de contraindre leurs salariés à lisser leurs cheveux ou à cacher leurs tresses et dreadlocks.
"Racisme décomplexé"
Steevy Gustave raconte avoir subi d'autres remarques similaires durant la campagne. Pendant les tractages sur les marchés, il se souvient d'invectives qui fusaient: "Rastacouère!", "Hé Bob Marley!". Il dit donc ne pas être surpris par ce "racisme du quotidien" qu'il dénonce au sein de l'Assemblée.
"L'hémicycle est censé représenter toute la France, alors forcément il y a les beaufs aussi", commente-t-il auprès de BFMTV.com.
Ce probable élu qui s'est adressé à lui, "c'est surtout un pauvre type", considère-t-il. À la remarque "T'es député, toi?! coupe toi les cheveux!", Steevy Gustave n'a rien répondu. "Je ne suis pas élu pour insulter les autres. Je l'ai regardé dans les yeux, l'air furieux, il a tourné les talons".
Si l'intéressé apprécie le soutien de ses collègues, il ne veut toutefois ni être vu comme une victime ni comme un symbole. "Si je suis là, c'est pour la génération d'après. Pour être une norme". Plutôt que "le député aux dreadlocks", il veut être "celui qui arrive en premier et qui part en dernier."
"Je ne veux pas dormir, je ne veux pas faillir une seule fois... Je vais fermer la porte aux suivants sinon, aux gens de banlieue, on ne pardonnera rien à un élu comme moi", explique le néo-élu, habitant de Brétigny-sur-Orge depuis 54 ans et conseiller d'opposition depuis 2001.
Il rêvait de devenir maire, mais "Macron en a décidé autrement" en annonçant la dissolution le soir des élections européennes. Le RN "était aux portes de ma ville, je ne pouvais pas ne pas partir au combat. Mes petites-filles m'auraient dit 'Papy, t'étais où en 2024?'", évoque-t-il. Aux européennes, dans sa ville, Jordan Bardella était arrivé en tête avec 23,19% des suffrages.