Élections au Royaume-Uni: comment les travaillistes ont réussi à séduire les marchés
Il n'y a pas qu'en France que l'on vote. De l'autre côté de la Manche, la gauche s'apprête à reprendre la main avec le soutien des milieux économiques, traditionnellement partisans des conservateurs. Sauf grande surprise de dernière minute, les travaillistes obtiendront une large majorité au Parlement britannique à l'issue des élections législatives, pour lesquelles les Britanniques sont appelés à voter ce jeudi 4 juillet.
Généralement frileux lorsque le "Labour" arrive aux responsabilités, les milieux économiques sont, cette fois-ci, de son côté et délaissent les "Tories" conservateurs, au bord du gouffre après 14 ans au pouvoir.
Sous l'égide de son chef de file Keir Starmer, bien parti pour occuper le poste de Premier ministre, le Labour a opéré un net recentrage de sa politique économique ces dernières années, s'éloignant largement de l'ère Jeremy Corbyn. Une orientation "pro-business", un soutien aux investissements, pas de coûteuses promesses aux électeurs et, surtout, une prudence budgétaire rythment le programme économique des travaillistes, soucieux d'incarner la compétence sur les questions économiques et de se montrer sérieux auprès des marchés et des entreprises.
Une "discipline de fer" promise
Le Labour aura une "discipline de fer" sur les finances publiques, a ainsi promis sa responsable économique, Rachel Reeves, ex-économiste de la Banque d'Angleterre qui pourrait devenir la première femme chancelière de l'Échiquier, l'équivalent du ministre des Finances. Outre-Manche, la dette publique flirte depuis plusieurs mois avec la barre des 100% du produit intérieur brut (PIB), atteignant des niveaux qui n'avaient plus été observés depuis le début des années 1960 –une conséquence notamment du soutien économique gouvernemental au moment de la crise sanitaire.
"Je veux que les investisseurs regardent le Royaume-Uni et se disent qu'il est un refuge dans un monde turbulent" où ils peuvent "investir en toute confiance" alors que d'autres pays "s'orientent vers des politiques plus populistes", a affirmé Rachel Reeves.
Les travaillistes proposent en fait une politique fiscale et budgétaire proche de l'équipe sortante.
Keir Starmer "propose un changement sans changement" et est "essentiellement un conservateur avec une cravate rouge" bien que "plus progressiste socialement", explique James Wood, professeur d'économie politique à l'Université de Cambridge.
Il faut surtout éviter d'effrayer les marchés comme l'éphémère gouvernement conservateur de Liz Truss, en septembre-octobre 2022, qui avait mis le feu aux marchés avec un budget de dépenses massives et non financées.
Soutien de la presse financière
Un symbole de taille: les travaillistes ont reçu le soutien de deux titres très influents de la presse financière. Dans un éditorial, le Financial Times estime que Keir Starmer est le "mieux placé pour être le dirigeant dont a besoin le pays", estimant que la génération actuelle du parti conservateur "a ruiné sa réputation de parti des affaires" –sans pour autant cacher des inquiétudes sur "les instincts interventionnistes" du Labour.
L'hebdomadaire The Economist, lui, estime que le parti travailliste "a les plus grandes chances" de s'attaquer au "manque chronique" de croissance au Royaume-Uni.
De même, le Sunday Times, supplément dominical du Times pourtant étiqueté à droite, a estimé dans un éditorial que les conservateurs avaient "perdu le droit de gouverner". "Place aux travaillistes", a-t-il avancé.