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Eric Zemmour, un programme économique entre Nicolas Sarkozy et Donald Trump

Eric Zemmour lors d'un meeting à Lille le 5 février 2022

Eric Zemmour lors d'un meeting à Lille le 5 février 2022 - JULIEN DE ROSA © 2019 AFP

Baisses massives d'impôts, patriotisme économique, lutte contre la fraude sociale, ardent soutien d'une politique familiale forte et priorité à la voiture dans les transports... Voici les principales mesures du candidat de Reconquête.

Patriotisme, libéralisme et pouvoir d'achat. Ce sont les trois grands axes du programme économique d'Eric Zemmour. Le candidat à la présidentielle qu'on entend davantage sur les questions de société n'a pas un programme économique définitif. Mais le candidat assure que de nouvelles propositions viendront enrichir son programme durant la campagne, comme la "prime zéro charge" annoncée lors du meeting du 5 février par exemple.

Dans la section "économie" de son programme sur son site internet, Eric Zemmour consacre peu de places aux propositions. Sur les 16 pages de ce programme, le candidat en consacre 14 à des graphiques et des tableaux qui démontrent selon lui le déclin de la France: chute dans l'Indice de développement humain, décrochage du PIB par tête par rapport à l'Allemagne, taux d'emploi plus faible des étrangers, déficit de la balance commerciale...

Le polémiste et écrivain qui n'a pas pour l'heure attiré derrière sa candidature de figure économique majeure est toutefois conseillé sur ces questions par deux personnalités. Tout d'abord Loïk Le Floch-Prigent, ancien grand patron condamné à deux ans et demi de prison pour abus de biens sociaux dans l'affaire Elf, qui dit être son ami et Jean-Baptiste Danet, ancien président du réseau patronal CroissancePlus et créateur du conseil en stratégie de marque Interbrand.

Deux conseillers qui partagent la même ambition que le candidat: réindustrialiser la France. C'est la première partie du programme du candidat.

Ses propositions pour l'industrie

Le poids de l'industrie dans le PIB français est en effet passé selon l'Insee de 16,5% en 2000 à 12,5% en 2018. Eric Zemmour veut ainsi "refaire de la France une grande puissance industrielle". Le candidat souhaite créer un grand ministère de l'Industrie, de l'énergie et du commerce extérieur pour piloter la réindustrialisation. Le candidat de droite souhaite ainsi créer des zones franches industrielles à l'image des zones franches urbaines et des zones de revitalisation rurales qui consisteraient en des exonérations fiscales (pas d'impôt de production ni d'impôt sur les sociétés durant cinq ans) pour les entreprises industrielles qui s'implanteraient dans des zones ciblées.

Ce type de mesures déjà mises en place par les gouvernements antérieurs n'aurait pour l'heure pas montré des résultats probants.

Ces dispositifs "ne prennent pas en compte la diversité des situations, déplorait ainsi un collectif d'économistes dans une tribune en 2020. C’est pourquoi elles se sont soldées par des échecs : les évaluations disponibles ne détectent aucun effet des ZRR (zones de revitalisation rurales) sur l’emploi."

Eric Zemmour souhaite par ailleurs créer un grand fonds souverain alimenté par le livret A pour investir dans les entreprises françaises et élargir le contrôle des investissements étrangers à tous les secteurs.

Pour restaurer la compétitivité française, le candidat reprend les axes de la politique fiscale actuelle en poussant plus avant les réductions d'impôt.

Ainsi il compte réduire de 30 milliards d'euros les impôts de production (le gouvernement actuel les a diminués de 10 milliards) sur un total de 70 milliards d'euros par an de recettes fiscales. Baisser le taux d'impôt sur les sociétés à 15% pour les petites entreprises (ce taux est déjà à 15% pour les entreprises qui font moins de 38.000 euros de bénéfices). Et simplifier les démarches administratives.

Autant de mesures coûteuses que le candidat compte financer en supprimant les prestations sociales aux étrangers (un gain de 20 milliards d'euros selon le polémiste) ainsi qu'en luttant contre la fraude aux prestations sociales que le polémiste estime à 40 milliards d'euros.

Enfin, le candidat de Reconquête souhaite obliger la commande publique à privilégier les produits français et mettre en place un "Patrie-score" sur les produits de consommation pour indiquer leur provenance française. Des mesures patriotiques qui rappellent celles de Donald Trump aux Etats-Unis.

Ses propositions fiscales

Après les entreprises, Eric Zemmour veut aussi baisser la fiscalité des ménages. D'abord en diminuant la CSG sur les bas salaires inférieurs à 2000 euros par mois (taux à 2,5% au lieu de 9%) pour permettre de gagner 100 euros de plus par mois.

Le candidat lorgne aussi du côté d'Emmanuel Macron et de Nicolas Sarkozy. Du premier il emprunte l'idée d'une "prime zéro charge" dévoilée lors du meeting du 5 février, une sorte de super "prime Macron" qui ne serait pas plafonnée à 1000 euros comme l'actuelle et pourrait être accordée à certains salariés et pas d'autres (dans la limite de trois mois de salaire net). Du second il reprend l'idée du "travailler plus pour gagner plus" avec une exonération totale d'impôts et de charges sociales des heures supplémentaires. Une mesure mise en place en 2007 par Nicolas Sarkozy, abrogée par François Hollande en 2012 mais relancée en 2018 par Emmanuel Macron dans la limite de 5000 euros net imposables par an. Eric Zemmour souhaite faire sauter ce plafond. Le dispositif actuel coûte aux alentours de 3,8 milliards d'euros par an aux finances publiques et pourrait donc être plus coûteux dans sa version Zemmour.

D'autres baisses d'impôt sont prévues comme la défiscalisation complète de la prime de participation (que le candidat souhaite étendre aux entreprises de plus de 11 salariés), l'exclusion de la résidence principale du calcul de l'IFI ou encore la suppression de la redevance audiovisuelle (138 euros par an).

Ses propositions en matière de succession

Exonérer de droits les successions de parents et grand-parents à enfant jusqu'à 200.000 euros (contre 100.000 euros aujourd'hui) et d'exonérer de droits de donation et de succession les transmissions d'entreprises familiales entre générations.

Des mesures là encore coûteuses puisque selon l'Institut Montaigne, elles représenteraient 7,75 milliards d'euros en moins de recettes publiques.

Ses propositions pour le logement

Le candidat de Reconquête n'a pas de son programme de chapitre consacré au logement, néanmoins il a avancé des propositions en la matière dans les médias.

D'abord Eric Zemmour veut mettre un coup d'arrêt au développement du logement social en supprimant la loi SRU qui impose des quotas de 25% de logements sociaux dans les villes. Une mesure toutefois plus sociétale qu'économique pour le candidat.

"A cause de cette loi, les racailles, les kebabs, les caïds de la drogue, les imams, les femmes voilées sont déversés sur toutes les petites villes pavillonnaires de petites banlieues où les Français ont acheté leurs biens, assurait-il dans Var Matin en janvier. Car quand on fait venir des millions d'étrangers, il faut bien les loger. Et bien avec moi, il n’y aura plus de loi SRU."

Eric Zemmour avait également fait une autre proposition sur le logement sur France 2, avec l'exonération des frais de notaire pour les primo-accédants prévoyant un plafond de montant d'opération de 250.000 euros pour en bénéficier.

Ses propositions sociales

Eric Zemmour soutient une politique nataliste forte. S'il est élu président, il compte revenir à l'universalité des allocations familiales dont l'obtention est soumise à des conditions de ressources depuis le quinquennat de François Hollande. Il souhaite aussi doubler le plafond du quotient familial qui permet de payer moins d'impôt en fonction du nombre d'enfants et qui est actuellement de 1570 euros par demi-part.

Mais surtout le candidat a fait de la lutte contre la fraude sociale son cheval de bataille. Selon ses calculs (qui sont sujets à caution), elle représenterait 50 milliards d'euros par an. Le candidat souhaiterait créer une brigade de lutte contre la fraude, imposer des contrôles systématiques des allocataires, suspendre les aides pendant cinq ans à tout fraudeur récidiviste, s'assurer qu'aucun bénéficiaire ne touche au cumul plus que le Smic, mettre en place une carte vitale avec empreinte digitale et imposer un contrôle physique annuel pour les bénéficiaires vivant à l'étranger.

Ses propositions pour les retraites

La retraite à 64 ans progressivement d'ici 2030. C'est la principale mesure du candidat pour financer le système par répartition actuel. Par ailleurs, il souhaiterait mettre en place un système de bonus-malus pour encourager les entreprises à garder les séniors en emploi.

Enfin, Eric Zemmour souhaite mettre fin aux régimes spéciaux en alignant les régimes public et privé. Avec toutes ces mesures, le candidat escompte 20 milliards d'euros par an d'économie.

Ses propositions pour les transports

Eric Zemmour axe tout son programme sur la voiture. Avec des mesures qui devraient être populaires auprès des gilets jaunes: faire rembourser 50% des frais de carburant par les entreprises pour les trajets domicile-travail dans la limite de 40 euros, supprimer le permis à points, restaurer la limitation des 90 km/h, mettre fin à toute interdiction de circuler en ville en fonction du type de véhicule, plafonner les amendes de stationnement à 17 euros, allonger la durée de vie du contrôle technique de deux à trois ans...

Avec ces mesures, Eric Zemmour entend détricoter l'essentiel des mesures prises sous le quinquennat Macron.

Ses propositions pour l'énergie

Le candidat fait du nucléaire son cheval de bataille. Dans son programme, il annonce la construction de 14 nouveaux réacteurs nucléaires à horizon 2050, prolonger la durée de vie du parc existant à 60 ans au moins, supprimer l'objectif de réduction à 50% du nucléaire dans le mix énergétique à horizon 2035.

Enfin, Eric Zemmour veut s'attaquer aux éoliennes.

"Les éoliennes sont une catastrophe pour la transition écologique, car intermittentes, et il faut faire tourner des centrales à gaz, assurait le candidat sur France 2 en décembre. Le nucléaire est très bon, c'est une énergie décarbonée."

Tous les projets actuels et futurs de parcs éoliens seront annulés. Et les soutiens publics à l'éolien et au solaire seront redirigés la géothermie ou l'équipement en pompes à chaleur des particuliers pour remplacer les chaudières à gaz ou au fioul.

Ses propositions pour l'agriculture

Comme pour l'industrie, le candidat de droite déploie une batterie de mesures protectionnistes pour défendre l'agriculture française. Interdire les importations de produits agricoles non conformes à nos standards de qualité, mettre fin à la "sur-transposition " des normes européennes dans le droit français, mettre fin aux négociations de la France dans les traités de libre-échange...

Un programme en la matière qui lorgne même plutôt du côté de la gauche et des écologistes. Eric Zemmour souhaite en effet s'il est élu privilégier les circuits courts en augmentant la part de produits locaux dans la restauration et s'attaquer à la grande distribution en mettant fin aux regroupements des enseignes au sein de grandes centrales d'achats.

Enfin, pour valoriser la production française, il veut encourager l'installation des agriculteurs dans le bio (mais ne précise pas de quelle façon), favoriser le renouvellement de la profession en augmentant la dotation jeunes agriculteurs et en simplifiant les procédures d'installation et d'achat de foncier.

Peu détaillé, le programme d'Eric Zemmour en la matière ressemble plus à des déclarations d'intention qu'à de vraies mesures programmatiques.

Sur la ruralité en revanche, il avance des propositions concrètes comme l'institution d'une bourse de 10.000 euros pour toute naissance dans une commune rurale, l'interdiction de nouvelles surfaces commerciales à l'entrée des villes ou encore le recrutement de 1000 médecins salariés pour soigner dans les centres de soins communaux.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco