Economie

Et si on augmentait les salaires en payant la protection sociale avec des impôts non liés au travail?

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Simplification, hausse du Smic et baisses de cotisations: la fiche de paie bouge en 2018. - Philippe Hughen - AFP
L'ancien directeur de cabinet de Muriel Pénicaud, Antoine Foucher, propose de faire financer la protection sociale par une hausse de la fiscalité sur l'héritage, l'investissement ou les retraités afin de redonner du pouvoir d'achat aux salariés. Explications.
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Augmenter le Smic de 14% d'un coup, réduire la TVA sur l'énergie, bloquer les prix du carburant ou des produits alimentaires... Alors que le pouvoir d'achat était le sujet prioritaire lors des élections législatives, chaque parti y est allé de sa solution pour emporter l'adhésion des électeurs.

Et si pour que le travail paie mieux, il fallait plutôt réduire la différence entre le salaire brut et le salaire net? C'est en tout cas l'idée d'Antoine Foucher, président de Quintet Conseil et ancien directeur de cabinet de Muriel Pénicaud.

Sur BFM Business ce jeudi, ce spécialiste des questions sociales qui fustige "la société de rentiers" a dressé un constat accablant.

"Le travail ne permet plus de changer de niveau de vie, assure-t-il. Les gens qui travaillent aujourd'hui sont la première génération depuis 1945 qui ne vont pas vivre mieux que leurs parents."

Alors que de nombreux économistes appellent à se pencher sur la question de la productivité qui évolue sur de longues période, Antoine Foucher propose lui une nouvelle répartition des richesses en faveur des travailleurs constatant que le RN est devenu au fil des années "le parti de masse du monde du travail".

"La bonne nouvelle c'est qu'il y a une solution à cette problématique du travail qui paie moins mais elle est difficile, reconnaît-il. Il faut qu'on réduise l'écart entre ce que gagnent les gens et ce qu'ils gardent sur leur compte en banque, c'est-à-dire la différence entre le super brut et le net."

En clair, il faudrait baisser les cotisations tout en maintenant les ressources de la protection sociale au moyen d'une fiscalité plus importante sur le capital.

Réduire les cotisations et augmenter les impôts

"Si vous faites une réduction de charges, ce que ça coûte peut être réparti sur d'autres sources de revenus, assure-t-il. [...] On a trop chargé le travail. En moyenne en France, quand on gagne 100 euros en travaillant, on en garde que 54. Si on gardait 60 euros comme dans les années 90 ou 65-70 euros comme dans les années 70, on aurait pour le même travail un salaire supérieur."

Pour rappel, la différence entre le super brut (coût total d'un travailleur pour l'employeur) et le net ce sont les cotisations patronnales et salariales finançant en grande partie les dépenses sociales qui représentent 32% du PIB français. Si cette protection sociale est déjà en partie financée par l'impôt depuis la création de la CSG, Antoine Foucher propose d'aller plus loin.

"Il faut un nouveau contrat social et il y a quatre sources de revenus possible qu'on peut aller chercher: il y a les investissements puisque quand vous gagnez 100 euros en investissant vous en gardez 70, les retraites, quand vous gagnez 100 euros en retraite vous en gardez 86 [...] et il y a l'héritage quand vous gagnez 100 euros en héritant vous en gardez 94. On peut rééquilibrer tout ça sans faire 1 euro de dette supplémentaire."

Une solution qui peut séduire sur le papier mais qui serait évidemment plus difficile à appliquer. Sur le plan politique d'abord puisque les Français s'opposent massivement à toute hausse de la fiscalité sur les successions et souhaitent même qu'elle baisse.

Et sur le plan macro-économique ensuite. La question de la fiscalité sur l'investissement n'est pas anodine dans un pays qui a su se rendre à nouveau attractif en proposant un cadre fiscal favorable aux investisseurs.

La question des prélèvements sociaux qui "grèvent" le salaire net se posent dans la plupart des pays européens avec le vieillissement des populations et le poids de l'assurance vieillesse à financer.

Moins de charges salariales en France

Les salariés français paient-ils pour autant plus de cotisations que leurs voisins? Selon les données d'Eurostat, les cotisations sont effectivement plus élevées en France que dans la moyenne de la zone euro. Selon Eurostat, elles représentent 16,9% du PIB contre 14,9% en Europe. Mais elles sont plus plus élevées dans certains pays comme l'Allemagne où elles atteignent 17,2%

La question que pose Antoine Foucher ne concerne néanmoins pas toutes les cotisations mais seulement celles payées par les salariés, seul levier pour améliorer le salaire net.

Or si la France se distingue en Europe c'est pour le poids de ses cotisations employeurs qui représentent 10,2% du PIB (7,8% en moyenne en zone euro) et qui font de la France le deuxième pays en Europe après l'Estonie.

Les cotisations salariales françaises sont parmi les plus faibles d'Europe. Elles ont notamment été baissées en 2018 avec pour contrepartie une hausse de la CSG (notamment sur les retraités) pour redonner justement du pouvoir d'achat aux salariés.

Comme l'indique le site Fipeco spécialisé dans les finances publiques, les cotisations payées par les ménages (salariés, non-salariés et retraités) ne représentent en France que 4,9% du PIB contre 6% en moyenne dans la zone euro et jusqu'à 9% en Allemagne.

Le site Connexion-Emploi a ainsi fait une simulation pour comparer les différences dans la rémunération entre la France et l'Allemagne. Pour recevoir une rémunération nette après impôts de 1.000 euros, le salarié doit négocier un brut de 1.318 euros. Ce même salarié qui voudrait disposer en Allemagne de 1.000 euros devrait obtenir un brut d'environ 1.430 euros. Un Allemand qui viendrait travailler en France pourrait donc consentir une baisse de salaire brut de 20% et recevoir toujours le même net qu'outre-Rhin

https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco

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