L'Autorité des marchés financiers (AMF) a demandé des améliorations sur les promesses d'investissements durables des gérants d'actifs et des distributeurs des fonds, amorçant un virage répressif sur le "greenwashing" dans la finance. Dans deux séries de contrôles et une étude distinctes, mais publiées simultanément jeudi, le gendarme des marchés financiers rappelle que l'obligation de communication "claire, exacte et non trompeuse" s'applique aussi dans les domaines extra-financiers.
Or, certaines communications marketing sur cet aspect laissent encore à désirer. Dans une étude portant sur une cinquantaine de fonds thématiques durables, l'AMF a ainsi remarqué que certains mettaient en avant une spécialité, comme l'eau ou la biodiversité, sans l'appuyer par des indicateurs spécifiques. Elle cite l'exemple d'un fonds qui fait de "l'alimentation durable, la santé humaine et celle de la planète un axe central de sa communication" alors que, dans sa sélection des entreprises, il n'exclut que celles qui ont les plus mauvais scores selon des critères environnementaux, sociaux ou de gouvernance (ESG), sans autre mesure plus précise.
"La présence de telles inadéquations génère un risque particulier d'écoblanchiment", insiste le régulateur.
Et le concepteur du fonds n'est pas le seul en tort en cas d'une mauvaise communication : les distributeurs, comme les banques qui sont au contact des clients pour leur proposer d'investir leur épargne, le sont aussi "même dans le cas où ils ne font que relayer les documents promotionnels", rappelle l'AMF.
Des contrôles pour envoyer des messages à la place parisienne
L'autorité a aussi effectué un contrôle sur six distributeurs en s'intéressant aux documents promotionnels pour y trouver des bonnes et des mauvaises pratiques. Il en ressort "qu'il y a une insuffisance d'appropriation par le distributeur et de contre-expertise pour avoir la certitude que l'information est appropriée", souligne Philippe Sourlas, secrétaire général adjoint, chargé de de la direction de la gestion d'actifs. Ces contrôles ciblés n'amènent pas à des sanctions, mais permettent au régulateur d'envoyer des messages à la place parisienne. Deux contrôles sur la finance durable sont également prévus dans les prochains mois.
Un autre contrôle ciblé publié mercredi a remarqué que les sociétés de gestion avaient augmenté leurs moyens humains et techniques pour se mettre en conformité avec la réglementation verte européenne, mais "qu'aucune" des cinq sociétés scrutées "n'est en conformité totale concernant l'information requise", notamment en raison "d'un manque de données externes pertinentes disponibles". "Le caractère récent et complexe de la règlementation continue de nécessiter beaucoup de pédagogie", a noté dans un communiqué la présidente de l'AMF, Marie-Anne Barbat-Layani.
Mais la patience du protecteur des épargnants sur ce sujet touche à sa fin. Fin juin, une première du genre, il a signé un accord avec Primonial Reim à qui il reprochait des manquements dans sa communication en matière de durabilité. Le gérant d'actifs a accepté de payer 40.000 euros au Trésor public pour mettre fin à l'enquête. "Notre objectif est qu'un quart de nos contrôles incluent la finance durable dans les différents thèmes visités", que ce soit via des contrôles spécifiques, ou des missions plus générales qui intègrent cette thématique, détaille Nicolas Patel, directeur des contrôles de l'AMF.
"On est en train de basculer. On commence à regarder ce sujet avec un oeil répressif" dit-il.
Le régulateur sous pression pour prendre des mesures
Certains textes de l'AMF sur le sujet sont déjà anciens, notamment sa doctrine publiée en mars 2020 sur les informations à fournir pour des approches extra-financières. Dans ces textes, "le point de bascule est déjà atteint" de l'accompagnement vers la sanction, dit Philippe Sourlas. La pression augmente sur le régulateur pour prendre des mesures. En juin, plus d'une vingtaine de membres de la société civile et de personnalités lui ont écrit pour demander de "prendre des mesures fermes" afin de lutter plus efficacement contre l'écoblanchiment dans les fonds durables.
"Force est de constater que la supervision de l'AMF concernant les aspects financiers est bien plus exigeante que celle qui concerne l'extra-financier, dont les enjeux climatiques et de durabilité", regrettaient les auteurs de cette lettre, parmi lesquels l'ONG spécialisée Reclaim Finance, le syndicat CFE-CGC, les Amis de la Terre et l'association de consommateurs UFC-Que choisir.