Financement, matériel... Comment la compagnie Le Train se prépare à lancer ses TGV dès 2026
Dans le match des nouveaux opérateurs qui cherchent à se lancer à l'assaut du TGV de la SNCF, la compagnie Le Train est aujourd'hui en passe de réussir son pari. Alors que Railcoop a été liquidé et que Kevin Speed interroge, l'entreprise ferroviaire franchit méthodiquement les obstacles.
Fort d'un cadre légal prêt, d'une demande pour le rail en constante hausse, de ses autorisations ferroviaires et d'une grande partie de son financement, l'entreprise souhaite lancer une liaison régionale à grande vitesse et à haute fréquence entre les métropoles du Grand Ouest.
"2024 est une année charnière pour nous, tant au niveau financier qu'industriel", confirme auprès de BFM Business, Alain Gétraud, fondateur et président de la jeune entreprise, et ancien de la SNCF.
"On change de phase et on avance de manière conforme à la trajectoire même si évidemment, ce n'est pas du papier à musique, nous sommes très sincèrement confiants".
Des levées de fonds finalisées avant la fin de l'été
La compagnie a déjà levé 15 à 20 millions d'euros pour amorcer son projet, constituer le capital social, obtenir les assurances nécessaires et les maintenir, financer ses autorisations de circuler, ses agréments, ce qui n'est déjà pas une mince affaire, car elles constituent en quelque sorte "le gage de sérieux" de l'opérateur pour rassurer les investisseurs. C'est tout ce qui fait la différence entre une entreprise sur les rails et un projet d'opérateur ferroviaire...
Elle met surtout la dernière main à deux levées de fonds: 50 millions d'euros pour le corporate et 350 millions pour le matériel roulant: 10 rames de TGV commandées à l'espagnol Talgo. Selon nos informations, tout devrait être finalisé avant la fin de l'été.
"Ces levées se font avec les acteurs qui nous font confiance depuis le début: notamment le Crédit Agricole et le Crédit Mutuel. Et avec des acteurs complémentaires qui correspondent à nos valeurs. On a élargi le spectre, mais on a voulu choisir des investisseurs qui sont en cohérence avec qui on est et ce qu'on veut faire", souligne le dirigeant.
Méthode toujours avec le développement progressif du back-office commercial et technologique qui doit être concomitant avec le lancement de l'offre. Le Train aura un modèle 100% digital et la qualité du système d'information (billetterie, remplissage des trains, tarifs...) est primordiale.
Débauchage du DSI de Ouigo
"C'est un gros morceau en passe d'être finalisé", confirme Alain Gétraud qui peut se féliciter d'une belle prise de guerre. Il a recruté Olivier Dominguez en tant que Chief Technology & Information Officer, il était Chief Information Officer pour Ouigo (ou DSI pour directeur des systèmes d’information) à la SNCF entre 2020 et 2024. Autant dire qu'il connaît ce genre de plateforme...
Reste que le projet a pris pas mal de retard, parce que la compagnie a dû se tourner vers du matériel roulant neuf (auprès de l'espagnol Talgo) alors qu'elle misait (en vain) sur de l'occasion dans son projet initial.
La fabrication des premières rames devrait bien débuter "normalement" en cette fin d'année, "le plus rapidement possible", insiste le responsable sans être plus précis. Soit un lancement commercial en 2026 vu les délais de fabrication. Mais Alain Gétraud entend relativiser ce délai.
"La fabrication d'un train ne débute pas à la première soudure. On a bouclé la phase de conception, le design, le prototypage des sièges, l'aide au chargement de vélo, le pack technologique... Et on aura un rythme de livraison assez rapide, a minima 2 rames par mois mais il y a plusieurs scénarios", confie-t-il.
Au total, 10 rames ont été commandées à l'industriel espagnol. A priori donc, Le Train aura tous ses TGV avant la mi-2026.
"De l'espace dans nos trains, de l'inclusivité"
Avec une offre que Le Train souhaite "en rupture" avec l'existant. "On est innovant dans l'accessibilité, l'inclusivité, l'accueil des personnes à mobilité réduite, des vélos, ce n'est pas anecdotique", précise le dirigeant.
Si des prix très attractifs seront proposés (moins de 60 euros pour un Bordeaux-Nantes), l'opérateur n'entend pas jouer la carte du low cost:
"On ne sera pas sur des trains capacitaires, on est sur un modèle de fréquence donc il y aura de l'espace dans nos trains. Il n'y aura pas des rangées de trois sièges, mais du 2+2. On est là pour créer de la valeur et du service, le facteur prix n'est pas si important quand on interroge les clients potentiels. Ils veulent de la fréquence, du service à travers une tarification équilibrée, juste et accessible. On est en cohérence avec les exigences actuelles et futures", explique Alain Gétraud.
Reste que le modèle économique du ferroviaire est fragile et soumis à des variables importantes: comme le prix des péages payés à SNCF Réseau. Ils ont augmenté de 8% cette année et il se murmure que le gestionnaire souhaite de nouvelles augmentations importantes ensuite.
"On a développé notre modèle avec prudence... Mais si on veut le développement du train en France, il faut se concentrer sur le coût de l'infrastructure. Je suis persuadé que s'il y a plus d'offres, les moyens de SNCF Réseau augmenteront, ce qui devrait permettre de stabiliser le prix des péages", espère le dirigeant. Or rien n'est moins sûr étant donné les investissements colossaux que le gestionnaire doit engager pour régénérer le réseau.
Des ambitions dans les trains d'équilibre du territoire
Le Train candidate aux appels d’offres de l’État pour opérer des lignes Intercités Nantes-Bordeaux, Nantes-Lyon et Nantes-Lille. Des lignes déficitaires mais qui sont financées par l'Etat. Est-ce vraiment le moment pour le Train d'entrer dans ce marché difficile?
"Ça serait incompréhensible de ne pas répondre à l'État, de ne pas faire de propositions avec notre ADN de services, nos critères, estime Alain Gétraud et les utilisateurs de ces lignes veulent du service. Si on fait bien le job, ça peut être rentable", assure-t-il.
Le risque est néanmoins calculé puisque l'État demeure l'autorité organisatrice tandis que la marque Le Train ne sera pas utilisée. "Cela restera des Intercités et nous serons concessionnaires", explique le dirigeant. Les vainqueurs de ces appels d'offres seront connus en fin d'année.