Nouveau Front populaire, Union nationale, Ensemble... Quelles alliances pour les législatives?
Trois mariages et deux divorces. Le compte à rebours est enclenché pour tous les partis: la campagne électorale pour les législatives anticipées, organisées après l'annonce de dissolution de l'Assemblée par Emmanuel Macron, a officiellement démarré ce lundi 17 juin.
Pour être sûr de rafler un maximum de sièges les dimanches 30 juin et 7 juillet et tenter de placer Jordan Bardella à Matignon pour une cohabitation avec l'Élysée, le RN s'est alliée à Éric Ciotti - contre l'avis des cadres LR - mais a refusé une union avec Reconquête et Éric Zemmour.
Face au parti d'extrême droite, un "front populaire" de la gauche retente l'union de la Nupes de 2022. Quant à la majorité, la voici qui affine de plus en plus sa définition de "l'arc républicain" en actant des pactes de non-agression dans certaines circonscriptions.
Voici les alliances et les divorces actés à ce jour.
• À gauche, un large Front populaire malgré quelques discordes
Un accord scellé entre PS, LFI, Écologistes et PCF
La Nupes nouvelle génération? Le Parti socialiste, La France insoumise, Les Écologistes et le Parti communiste ont acté un accord pour former un bloc de gauche uni aux législatives, cette fois-ci sous le nom de Nouveau Front populaire - en écho à l'alliance réalisée en 1936 par le socialiste Léon Blum, qui avait permis à la gauche de l'emporter. D'autres mouvements soutiennent l'initiative, à l'image de Générations ou du Nouveau Parti anticapitaliste.
Après un accord de principe le lendemain des européennes, les tractations se sont poursuivies pendant une semaine autour des programmes et des investitures. Les candidatures brassent large, puisqu'elles vont du trotskiste Philippe Poutou dans l'Aude à l'ancien président François Hollande en Corrèze ou l'ancien ministre d'Élisabeth Borne Aurélien Rousseau dans les Yvelines.
LFI et ses dissidences
Vingt-quatre heures après avoir l'annonce officiel du Nouveau Front populaire, La France insoumise a été contestée par ses alliés pour avoir choisi de ne pas représenter certains de ses députés qui avaient contesté le mode de fonctionnement du mouvement. Ainsi des figures comme Rachel Garrido, Alexis Corbière ou encore Danielle Simonnet ont été écartées. Face à la gronde causée par cette "purge", ces dissidents ont décidé de se présenter quand même contre leur remplaçant LFI.
La gauche part désunie dans d'autres circonscriptions. LFI avait ainsi investi le député sortant Adrien Quatennens, condamné pour violences conjugales en 2022. Sous pression, il a finalement annoncé retiré sa candidature et les insoumis ont investi un autre candidat, Aurélien Le Coq. Mais la militante féministe Amy Bah, soutenue par la maire socialiste de Lille Martine Aubry, a maintenu sa candidature.
Dans l'Essonne, le socialiste Jérôme Guedj, cible des attaques de la France insoumise durant la campagne des européennes, avait expliqué dans un communiqué "ne pas (se) présenter sous l'étiquette Front populaire". Le député sortant refusait de s'associer à LFI, en raison de "divergences profondes" autour de "la brutalisation du débat public". Il aura face à lui une candidate Générations, Hella Kribi-Romdhane, avec un suppléant LFI, Philippe Juraver.
• Autour de Renaissance, le "champ républicain", ni LFI ni RN
Renaissance et ses alliés Modem, Horizons avaient annoncé leur volonté de ne pas présenter de concurrents face aux sortants "faisant partie du champ républicain" et souhaitant "s'investir dans un projet clair" autour de la majorité présidentielle, avait indiqué dès le soir des européennes le secrétaire général du parti Renaissance, Stéphane Séjourné.
Côté gauche, l'ancien ministre Clément Beaune avait rapidement rappelé que pour la majorité ce "champ républicain" ne comprenait pas La France insoumise. Côté droit, dans un entretien le 18 février au journal L'Humanité, Emmanuel Macron avait été plutôt clair sur la question, assurant "n’avoir jamais considéré que le RN ou Reconquête s’inscrivaient dans l’arc républicain".
Menacée d'arriver en troisième position dans nombre de circonscriptions, la majorité - réunie sous la bannière Ensemble - a finalement décidé de ne pas présenter de candidat dans une vingtaine de circonscriptions détenues par des élus de droite, de gauche ou du groupe indépendant Liot, jugés constructifs. C'est le cas face à l'ancien président François Hollande en Corrèze ou le socialiste Jérôme Guedj, candidat dans l'Essonne hors du Nouveau Front populaire.
Dans le Lot-et-Garonne, elle ne présentera pas non plus de candidat face à l'ex-ministre Jérôme Cahuzac - condamné pour fraude fiscale - mais appuiera le LR Guillaume Lepers pour faire barrage au Rassemblement national. Des accords locaux ont également été conclu avec les Républicains, par exemple dans les Hauts-de-Seine.
• À droite et à l'extrême droite, l'Union nationale, mais sans Reconquête et une partie de LR
L'Union nationale entre le RN et LR version Ciotti
Marine Le Pen a tendu la main aux Républicains dès le lendemain de sa victoire aux européennes. Le Rassemblement national est "bien sûr capable" de ne pas présenter de candidat RN face à des candidats LR avec lesquels un accord aurait été trouvé, afin de "faire le rassemblement" lors des législatives anticipées.
Cette main a été saisie dans la foulée par le patron des Républicains, Éric Ciotti. Le très conservateur chef de la famille de droite a jugé son parti trop faible pour s'engager seul dans la bataille. "Nous avons besoin d'une alliance, en restant nous-mêmes, (...) avec le Rassemblement national et avec ses candidats", a-t-il plaidé.
Si Éric Ciotti n'a pas été suivi par les cadres de son parti - à l'exception d'une députée et du président du mouvement des Jeunes républicains - il a indiqué avoir 62 candidats "du rassemblement des droites" soutenus par le RN.
La ligne LR anti-Ciotti avec "près de 400 candidats"
La perspective d'une alliance avec le RN a suscité une vague d'indignation au sein des Républicains, dont les cadres ont voté l'exclusion d'Éric Ciotti de la présidence et du mouvement.
LR part donc divisé pour ces législatives, avec "près de 400 candidats" investis par la branche anti-Ciotti, dont un à Nice, face au député sortant des Alpes-Maritimes. Des accords locaux ont été conclus avec Renaissance et certains députés LR sortants n'auront pas de concurrents macronistes face à eux.
Reconquête en solo
Dès le soir des européennes, Éric Zemmour a appelé à l'union des droites. Mais c'est surtout Marion Maréchal qui a engagé les démarches: la tête de liste Reconquête à Strasbourg s'est dite "prête à rencontrer dans les jours qui viennent Marine Le Pen et Jordan Bardella, Éric Ciotti et Nicolas Dupont-Aignan pour travailler ensemble".
Le Rassemblement nationale a finalement refusé toute alliance avec Reconquête, préférant une union avec Éric Ciotti. Qu'importe: Marion Maréchal a appelé officiellement à soutenir les candidats de l'alliance Ciotti-RN, mercredi 12 juin, en alertant sur la "triple faute" de présenter des candidats zemmouristes en face. Éric Zemmour l'a dans la foulée exclue du mouvement, ainsi que trois de ses soutiens, tous élus eurodéputés dimanche 9 juin sous la bannière du parti.
"Pour la victoire de nos idées et contre l’islamo-gauchisme", Reconquête a annoncé l'investiture de 330 candidats - mais n'en présentera pas dans certaines circonscriptions pour favoriser "les artisans de l'union nationale" comme Eric Ciotti et Nicolas Dupont-Aignan.