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Grève "illimitée": pourquoi un mouvement syndical historique secoue Samsung

Des milliers de salariés sud-coréens du groupe d'électronique se sont mis en grève, face à une direction inflexible.

Au sommet de la Samsung Town de Séoul, on fait probablement grise mine. Le géant de l'électronique sud-coréen Samsung Electronics fait face à une grève historique, une grève "illimitée" même annoncée par l'unique syndicat de l'entreprise.

Cette annonce, en plein milieu du grand show qui se déroule à Paris, fait suite à une première grève de trois jours, en juin quand 6000 salariés étaient descendus dans la rue pour réclamer des hausses de salaire. Inflexible, la direction avait refusé d'ouvrir des négociations.

Le mouvement social s'avère inédit, dans un pays qui n'a reconnu les syndicats qu'à la fin des années 1980, avec la démocratisation du pays. D'autant que le plus grand conglomérat, Samsung, a longtemps fait de résistance: ce n'est qu'en 2019 que le groupe a finalement accepté l'éclosion d'un syndicat.

"Moi vivant..."

Car pendant ses 50 ans d'existence, l'entreprise familiale a pris soin d'éteindre toute velléité auprès des salariés trop revendicatifs. "Jamais ils ne seront autorisés" tonnait le fondateur Lee Byung-chul, décédé en 1987. Longtemps, les "salariés à problème" étaient tout simplement licenciés. Mais ces dernières années, l'arrivée à la présidence du pays de l'avocat Moon Jae-in (remplacé en 2022) et les déboires de l'héritier Samsung ont forcé le conglomérat à lâcher du lest.

Désormais fort de 30.000 membres (sur 125.000 salariés dans le pays), le syndicat de Samsung a relancé ses revendications dans un contexte social tendu dans le pays où les mouvements de grève se multiplient. Face à une croissance stagnante, le gouvernement libéral plaide pour une semaine de 69 heures de travail pour les périodes de pic d'activité.

Chez Samsung, on réclame donc davantage de congés et des hausses de salaire. Après un premier accord salarial l'année dernière, c'est cette fois un refus catégorique de la direction.

"Un risque"

"La direction semble penser que si elle répond facilement aux demandes du syndicat, elle pourrait créer un précédent pour des actions similaires à l'avenir" décrypte pour le Korea Herald, Shin Se-don, professeur d'économie à l'université de Sookmyung.

"Cette grève représente un risque certain pour la culture organisationnelle et la compétitivité mondiale de Samsung Electronics" juge de son côté, pour le même journal Hwang Yong-sik, professeur à la faculté de commerce et d'économie de l'université de Sejong. Il évoque la culture d'entreprise de Samsung "qui valorise la hiérarchie et le leadership du haut jusqu'au bas".

D'autant que Samsung s'est largement remis d'une année 2023 compliquée. Le marché des puces a bien repris et a permis au géant d'augmenter de 931% son bénéfice au premier trimestre. De bons résultats dont les grévistes comptent bien profiter.

Thomas Leroy Journaliste BFM Business