Héritage: combien coûtent les mesures des candidats aux législatives sur les droits de succession?
La taxation de l'héritage fait régulièrement débat en France. Ce n'est pas un hasard si le sujet apparaît dans les programmes des trois principaux camps pour les élections législatives, dont le second tour est programmé ce dimanche 7 juillet.
Les enquêtes d'opinion révèlent que les Français interrogés sont largement opposés à toute taxation sur les successions. Selon un sondage Odoxa pour Challenges publié en avril dernier, 77% des personnes interrogées estiment que l'impôt sur l'héritage est injustifié. Cependant, pour le Conseil d'analyse économique (CAE), il y a "un déficit majeur d’information tant sur le fonctionnement que sur l’incidence de cet impôt".
Les Français "tendant à surestimer largement le poids des droits de succession pesant sur les classes moyennes", écrivent les économistes du CAE dans un rapport publié en décembre 2021 et intitulé "Repenser l'héritage".
• Aujourd'hui: une imposition qui dépend du lien de parenté
Ce manque d'information de la population est directement relié au déficit de données publiques sur le sujet. En France, il est très difficile de savoir combien de personnes paient des droits de succession. La fiscalité sur l'héritage concernerait entre 13 et 20% de la population, selon les calculs des experts du CAE, relayés par l'AFP Factuel. De son côté, le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire a estimé que "les deux tiers des successions ne sont soumises à aucun droit de succession" et que cette fiscalité ne concerne ainsi qu'un "nombre très limité de Français".
Actuellement les droits de succession sont assez complexes à calculer et vont notamment dépendre de votre lien de parenté avec le défunt. Ainsi, il existe un abattement de 100.000 euros par héritier lorsqu'il s'agit d'un enfant, d'un père ou d'une mère. Cet abattement tombe à 15.932 euros pour un frère ou une soeur et à 7.967 euros pour un neveu ou une nièce, comme le rappelle Bercy.
Ensuite, les taux applicables à la partie taxable de l'héritage (l'actif successoral taxable auquel on retranche l'abattement) va dépendre là aussi de votre lien de parenté. Ces taux vont de 5% (héritage taxable après abattement de moins de 8.072 euros en ligne directe) jusqu'à 60% (quand les héritiers n'ont pas de lien de parenté par exemple).
En parallèle, il existe aussi ce qu'on appelle des impôts sur les donations, autrement dit du vivant de la personne (le donateur) lorsqu'elle souhaite transmettre une partie de son patrimoine (à un donataire).
Dans ce cas, chaque parent peut donner 100.000 à chaque enfant sans payer d'impôt mais uniquement sur une période de 15 ans. "Si un couple a 2 enfants, chaque enfant peut bénéficier d'un abattement de 100.000 euros pour chacun de ses parents. Soit un maximum de 200.000 euros par enfant et de 400.000 euros pour les 2 enfants", explique ainsi le site service-public.fr. Là encore, le montant de l'abattement dépend du lien de parenté (il est par exemple de 15.932 pour un frère ou une soeur).
• Ensemble: jusqu'à 150.000 euros d'abattement par enfant
La coalition présidentielle Ensemble veut augmenter les abattements en ligne directe. Ainsi, les héritages et les donations seraient désormais exonérés jusqu'à 150.000 euros par enfant et par parent.
L'institut Montaigne, qui a chiffré les coûts des trois principaux blocs en lice aux législatives, estime que cette mesure coûterait 3 milliards d'euros par an aux finances publiques. "Un montant entouré d’incertitudes significatives dues à l’absence de disponibilité de données fiscales de référence", précise toutefois le think tank.
L'institut Montaigne estime par ailleurs que "la mesure aurait donc comme effet une augmentation des inégalités de patrimoine et une baisse des recettes publiques".
• Le RN: des donations exonérées tous les 10 ans
Le Rassemblement national se focalise sur les donations. Le parti de Jordan Bardella et Marine Le Pen propose d'exonérer les donations des parents et des grands-parents à leurs enfants et petits-enfants jusqu’à 100.000 euros par descendant tous les 10 ans (au lieu de 15 aujourd'hui).
Une promesse qui coûterait un milliard d'euros par an, selon l'Institut Montaigne. Le think tank estime que cette mesure "pourrait avoir pour effet d’accélérer les transmissions de capital entre générations". Mais en contrepartie, elle risquerait "de renforcer la concentration patrimoniale".
"Or cette concentration patrimoniale n’a pas d’effets positifs sur l’efficience allocative et pourrait même avoir des effets négatifs sur cette dernière", relèvent les experts.
• Le NFP: une taxation à 100% au-delà de 12 millions d'euros
De son côté, le Nouveau Front populaire propose une approche différente et veut rendre "l’impôt sur l’héritage plus progressif". Moins précis que ses concurrents, le Nouveau Front populaire (NFP) ne précise ni les paliers ni les taux de taxation. Impossible donc pour l'institut Montaigne de fournir un chiffrage.
L'alliance de gauche prévoit aussi de cibler "les plus hauts patrimoines en instaurant une transmission maximale de 12 millions d’euros". Autrement dit, au-delà de 12 millions d'euros, l'intégralité du reste de l'héritage serait taxé à 100%.
Cette mesure figurait déjà dans le programme de Jean-Luc Mélenchon en 2022. À l'époque, l'Institut Montaigne estimait que cette promesse pourrait rapporter environ 9 milliards d'euros.
Le think tank précisait que "la proposition pourrait avoir pour effet d’accélérer les transmissions de capital entre générations", notamment car les recettes devaient être allouées au financement d’une allocation d’autonomie pour les jeunes de moins de 25 ans (1.063 euros par mois).
Néanmoins l'institut pointait les risques d'évitement de l'impôt générés par une telle hausse de la taxation, et ainsi craignait "une perte de capital, du fait de son transfert à l’étranger". Selon le Nouveau Front populaire, la progressivité de l'impôt couplée à l'héritage maximal de 12 millions d'euros permettrait de dégager 17 milliards d'euros pour les finances publiques.