Iran: que peut changer la victoire à la présidentielle du réformateur Massoud Pezeshkian?
Un nouveau souffle pour l'Iran? Le réformateur Massoud Pezeshkian, qui plaide pour une ouverture vers l'Occident, a remporté samedi 6 juillet la présidentielle en Iran, face à l'ultraconservateur Saïd Jalili.
Organisée à la hâte après la mort en mai du président ultraconservateur Ebrahim Raïssi dans un accident d'hélicoptère, la présidentielle s'est tenue dans un contexte de mécontentement populaire face à l'état de l'économie du pays frappée par des sanctions internationales.
A l'issue du second tour du scrutin vendredi, le lauréat a recueilli 53,6% des voix contre 44,3% à son adversaire, selon les résultats définitifs communiqués par les autorités électorales. Après un premier tour le 28 juin marqué par une forte abstention, la participation s'est établie à 49,8%.
"Le chemin devant nous est difficile. Il ne sera facile qu'avec votre collaboration, empathie et confiance. Je vous tends la main", a dit Massoud Pezeshkian, 69 ans, sur X après sa victoire.
Voix des sans voix
Il s'agit d'une victoire surprise. Nul n'aurait en effet parié sur le député de Tabriz, la grande ville du nord-ouest de l'Iran, lorsque sa candidature a été acceptée par le Conseil des gardiens avec cinq autres candidats, tous conservateurs.
Massoud Pezeshkian n'est pas l'une des figures de proue des camps réformateur et modéré, mais il a reçu le soutien d'anciens présidents, le réformiste Mohammad Khatami et le modéré Hassan Rohani.
Ce père de famille qui a élevé seul trois enfants après la mort de son épouse et d'un autre enfant dans un accident de voiture en 1993, se présente comme la "voix des sans voix".
Le président élu appelle à régler la question du port obligatoire du voile pour les femmes, l'une des causes du vaste mouvement de contestation ayant secoué l'Iran fin 2022 après la mort de Mahsa Amini, arrêtée pour non-respect du code vestimentaire strict.
Comme le précise le Washington Post dans un article qui lui est consacré, Pezeshkian est d'accord avec le code vestimentaire strict imposé aux femmes, dont le port obligatoire du tchador, une longue pièce de tissu qui couvre le corps de la tête aux pieds.
Toutefois, celui-ci réfute que les femmes iraniennes soient des citoyennes moins bien traitées que les hommes.
"L’idée que les femmes sont des citoyennes de second ordre et ne sont créées que pour le bien de la famille est quelque chose qui doit changer. Les femmes existent avec les hommes dans l’économie, la science et l’industrie, et nous devrions les remettre à leur poste.
Regard vers l'Occident
Le scrutin en Iran était suivi avec attention à l'étranger alors que l'Iran, poids lourd du Moyen-Orient, est au coeur de plusieurs crises géopolitiques, de la guerre à Gaza au dossier nucléaire, dans lesquelles il s'oppose aux Occidentaux.
Appelé le "docteur" par beaucoup d'Iraniens, Massoud Pezeshkian est en faveur de "relations constructives" avec les Etats-Unis, ennemi de la République islamique d'Iran, et les pays européens afin de sortir le pays de son "isolement".
Il a ainsi promis de négocier avec Washington pour relancer les pourparlers sur le nucléaire iranien, au point mort depuis le retrait américain en 2018 d'un accord international conclu en 2015.
Des figures de l'opposition en Iran et dans la diaspora avaient appelé au boycott du scrutin, jugeant que les camps conservateur et réformateur représentaient deux faces de la même médaille.
Autre poids lourd du Moyen-Orient, l'Arabie saoudite a félicité le nouveau président, le roi Salmane espérant "développer les relations entre les deux pays frères" qui se sont réconciliés en 2023 après plusieurs années de rupture.
Le dirigeant russe Vladimir Poutine a adressé ses "félicitations sincères" à Pezeshkian et espéré un "renforcement de la coopération bilatérale".
Joie dans les rues iraniennes
Peu après l'annonce du résultat définitif, des images diffusées par les médias locaux ont montré à Téhéran et Tabriz des partisans du réformateur exprimer leur joie dans la rue.
Des Iraniens, interrogés par l'AFP après l'élection, ont salué sa victoire, d'autres ont dit ne pas croire à un changement.
"Nous sommes très heureux qu'il ait gagné. Nous avons besoin d'un président lettré pour résoudre les problèmes économiques", a déclaré Abolfazl, un architecte de 40 ans.
"Je ne me sens pas concernée. Ces (candidats) lancent seulement des slogans. Lorsqu'ils prennent le pouvoir, ils ne font rien pour le peuple", a dit Roya, une femme au foyer de 50 ans.
Le président en Iran a des pouvoirs restreints: il est chargé d'appliquer, à la tête du gouvernement, les grandes lignes politiques fixées par le guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, qui est le chef de l'Etat et l'ultime décideur sur les dossiers stratégiques.