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Au moment de choisir leur destination de vacances, les personnes LGBT+ doivent souvent composer avec les législations homophobes de certains pays.

PIERRE-OSCAR BRUNET / BFMTV

"J'étais sur mes gardes": face à l'homophobie, les touristes LGBT contraints à repenser leurs vacances

Itinéraire, hébergement, moyens de transport... Préparer des vacances à l'étranger n'est une mince affaire pour personne. Mais la tâche se révèle bien plus fastidieuse encore pour les personnes LGBT+, qui ne peuvent pas se rendre partout sans risque. Ce qui oblige certains à cacher leur orientation sexuelle dans certaines destinations.

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À 29 ans, Émeric est un féru de voyages. Seul, entre amis ou en couple: dès qu'il peut partir à l'autre bout du monde, le jeune homme prend ses billets et saute dans un avion. Ce Parisien est toutefois bien conscient des limites de ses envies de découverte: en tant que personne homosexuelle, il sait que toutes les régions du monde ne sont pas prêtes à l'accueillir les bras ouverts.

"Un voyage quand tu es gay, ça demande un temps de préparation un peu particulier. Il y a des questions que tu es obligé de te poser car on ne peut pas mettre les pieds partout", pose cet ingénieur informatique.

À ce jour, l'homosexualité est illégale dans une soixantaine de pays et la transidentité n'est toujours pas reconnue dans une large partie du monde, selon le décompte de l'Ilga, une association LGBT de référence. Dans un certain nombre de pays d'Afrique, du Moyen-Orient ou encore d'Asie du Sud-Est, les personnes LGBT+ sont passibles de peines de prison voire de la peine de mort.

"La base, c'est de vérifier"

C'est la raison pour laquelle avant chaque voyage, Émeric prend le temps de vérifier les risques qu'il encourt en tant que membre de la communauté LGBT+. La première étape consiste ainsi à se renseigner minutieusement sur la destination qui l'intéresse: d'abord sur la législation en vigueur dans le pays et la région, et dans un second temps sur l'ouverture d'esprit et les mentalités de la population locale.

"La base, c'est de vérifier si tu vas débarquer en terrain ami ou non", résume-t-il. "Je regarde d'abord si en cas de problème, les autorités locales seraient de mon côté ou pas puis si les gens sur place tolèrent ou pas afin d'avoir une idée de comment me comporter."

"La sécurité est un réel sujet d'inquiètude pour les personnes LGBT qui voyagent", constate Danny Kronström, créateur du guide touristique en ligne Gay Voyageur. "La sécurité est une question très récurrente", commente ce Canadien de 43 ans, également à l'origine du podcast Queer ou pas? sur la même thématique.

Son site internet, créé en 2014, il oriente les voyageurs queer et francophones dans leurs choix de destinations et d'hébergements aux quatre coins du monde, en plus de mettre à disposition des conseils et autres recommandations utiles.

Deux femmes assises le long de la plage avec un drapeau LGBT sur les épaules, dans un hôtel de Guillermo Key (Cuba), le 27 novembre 2021.
Deux femmes assises le long de la plage avec un drapeau LGBT sur les épaules, dans un hôtel de Guillermo Key (Cuba), le 27 novembre 2021. © YAMIL LAGE / AFP

De précieuses ressources existent pour préparer un voyage, telles que les cartes interactives du site internet Equaldex qui cartographient l'avancée des droits LGBTQ+ à travers le monde. Et de plus en plus de plateformes de réservation comme Airbnb, Misterb&b ou le site Everywhere is queer répertorient les établissements LGBT-friendly.

Avant de partir, Marine L. a aussi pris l'habitude de consulter les sites des ambassades des pays où elle envisage de voyager et les recommandations du ministère des Affaires étrangères. Outre le bouche-à-oreille, cette journaliste lesbienne de 35 ans, installée à Paris, se renseigne aussi sur les sites des guides touristiques tels que celui du Routard ou du Lonely Planet qui tiennent à jour une page sur les droits LGBT+ de leurs destinations.

"Une semaine sur place m'a suffi"

Pour autant, cela ne lui empêche pas quelques déconvenues. Il y a deux ans, elle et sa petite-amie se sont rendues une semaine au soleil près d'Agadir, au Maroc, mais elles ne sont pas sûres de réitérer l'expérience. À la plage, dans les rues et même à l'hôtel, Marine se souvient ne pas avoir été vraiment à l'aise, au point de se sentir "hyper soulagée" à son retour en France.

D'autant qu'un incident est venu perturber leur voyage, puisqu'un membre du personnel hôtelier est entré par mégarde dans leur chambre d'hôtel à un moment inopportun... suscitant un moment de panique chez les deux femmes, qui ignoraient alors quelles conséquences une telle mésaventure pourrait avoir.

Au Maroc, les "actes impudiques ou contre nature avec un individu de son sexe" sont passibles d'une peine de 3 ans de prison et d'une amende. Et la loi est toujours appliquée selon l'Ilga, qui recense plusieurs condamnations ces dernières années.

"J'ai eu l'impression de passer une semaine sur la retenue, ce qui n'est pas très confortable", confie Marine, qui reconnaît qu'"une semaine sur place (lui) a suffi".

"Honnêtement ça m'a coûté de devoir constamment faire attention à mes gestes, à mes paroles, à qui se trouvait autour de nous", explique-t-elle.

De la même façon, Léonie Nogueira et sa femme Pauline font preuve d'une grande prudence au quotidien lors du grand road-trip en camping-car qu'elles ont entrepris en février 2023 à travers l'Europe, surtout qu'elles voyagent avec leur petit garçon de trois ans. Ainsi lorsque les deux femmes stationnent leur véhicule - qui est floqué du pseudo de leurs comptes instagram et Tiktok - dans une zone incertaine quant au niveau d'acceptation des personnes LGBT, elles passent leurs réseaux sociaux en mode privé.

"Avec un enfant, on ne prend aucun risque niveau sécurité. On se fie à notre instinct, c'est-à-dire que quand ce sont des zones très rurales et reculées, ou juste quand on ne le sent pas à cause des regards, on passe automatiquement notre compte voyage en privé", détaille cette voyageuse lesbienne de 30 ans, originaire de Tours (Indre-et-Loire).

"Jamais agréable de devoir retourner dans le placard"

Une technique testée et approuvée par la créatrice de contenus et influenceuse américaine Courtney Vondran, spécialisée dans les voyages pour les personnes LGBT+. Lorsqu'elle est allée en Égypte il y a deux ans, l'influenceuse aux cheveux roses a enlevé tous les drapeaux arc-en-ciel visibles sur ses réseaux sociaux, par précaution.

"Ce n'est jamais agréable de devoir retourner dans le placard", reconnaît-elle. "Mais c'est parfois la condition pour voyager dans certains pays du monde. Mieux vaut le savoir et assurer ses arrières, afin d'être le plus prudent possible."

Courtney Vondran sait de quoi elle parle. Il y a trois mois, elle et sa fiancée transgenre Liz étaient censées passer leur voyage de noces au Nicaragua mais elles se sont vues refuser l'entrée sur le territoire, sans raison apparente. Bien qu'elles n'en aient pas la preuve formelle, elles attribuent ce refus au fait qu'elles n'aient pas pris les mesures d'autocensure habituelles de leurs réseaux sociaux.

"On nous a appris ça à l'aéroport, sans nous donner de raison, alors qu'on s'apprêtait à embarquer", explique l'influenceuse originaire de Chicago, encore "incroyablement choquée" de cet incident.

Heureusement, Liz et Courtney contractent systématiquement une assurance annulation, conscientes du risque de déconvenues possibles liées aux réactions que peut susciter la présence des personnes LGBT+ à certains endroits. "À vrai dire, si le Nicaragua ne veut pas de nous sur son territoire, je n'ai aucune envie d'insister", conclut l'Américaine.

La recherche de "safe spaces"

C'est pour cette raison qu'Émeric refuse désormais le tourisme dans les pays politiquement hostiles à la communauté LGBT. Même si légalement rien ne l'empêche de s'y rendre, il a désormais fait une croix sur les vacances en Pologne, en Hongrie ou encore en Russie.

"C'est une sorte de boycott, par principe", détaille-t-il. "Hors de question que je donne le moindre centime à des pays qui oppressent les personnes homosexuelles, car voyager signifie faire tourner l'économie locale et donc cautionner indirectement."
Loi "anti-homosexuel" : Que risquent les LGBT+ en Ouganda ?
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En cas de doute sur son lieu de vacances, le jeune homme fait en sorte de dissimuler son homosexualité, même s'il est "fatiguant" de devoir contrôler ses moindres faits et gestes. "En Thaïlande ou au Mexique, j'étais un peu plus sur mes gardes", se souvient-il. "Et ça m'est très souvent arrivé de demander une chambre avec des lits jumeaux voire deux chambres séparées pour écarter tout soupçon".

"Tu développes une sorte de retenue en tant que personne LGBT quand tu n'es pas trop sûr de qui tu as en face de soi et dès que tu n'es pas en terrain conquis -typiquement en voyage -, tu ouvres l'œil plus que d'habitude", explique-t-il.

Voilà pourquoi bon nombre de personnes LGBT+ privilégient la fréquentation de bars, restaurants, hébergements voire de villes entières réputées "LGBT-friendly" où ils se sentiront plus à l'aise. "C'est important pour moi de soutenir ces lieux que je trouve encore trop rares et de les soutenir financièrement par ma présence", résume Émeric. "Je sais que certains considèrent ça comme du communautarisme. Moi je considère que c'est de la survie, une 'safe place' (un endroit sûr, un refuge, NDLR) où je sais que j'aurais ma place", défend le Parisien.

Jeanne Bulant Journaliste BFMTV