"Je n'ai pas réfléchi": cinq mois après l'attentat d'Arras, l'agent d'entretien qui a stoppé l'assaillant raconte
Lycée Gambetta d’Arras, le vendredi 13 octobre, un peu avant 11 heures. Christian Berroyer ne le sait pas encore, mais sa vie s'apprête à basculer dans l'horreur. Dans quelques minutes, l'agent d'entretien s'interposera face à Mohammed Mogouchkov, un ancien élève fiché pour radicalisation islamiste qui vient de poignarder mortellement Dominique Bernard, un professeur de français.
"Il était 11 heures, j’allais déjeuner au réfectoire avec mes collègues. Des collégiens allaient manger et se sont regroupés devant la porte", rapporte l’agent d’entretien à La Voix du Nord.
Il aperçoit au loin "comme un mouvement de foule". La situation ne l’inquiète guère, les bagarres entre élèves ne sont pas rares. "Puis on a vu David Verhaeghe (prof d’EPS) avec la bouche en sang", poursuit-il. Les événements s’accélèrent. "Une de mes collègues a alors crié 'il a deux couteaux'".
"Je n'ai pas réfléchi"
La panique gagne le réfectoire. Christian Berroyer, lui, garde son sang-froid. "J’ai fait entrer tout le monde dans le réfectoire. On a fermé les portes", rapporte-t-il à La Voix du Nord.
L’agent d’entretien part au contact de l’agresseur avec une chaise pour seul bouclier. "Je n’ai pas réfléchi et je me suis mis face à l’agresseur", détaille l’agent d’entretien à nos confrères. "Il avait un regard noir et faisait des mouvements avec ses couteaux."
Le professeur d’EPS parvient à s’échapper grâce au courage de Christian Berroyer. "J’ai interrompu l’agresseur dans son acte. Il s’est dirigé vers moi et voulait me donner des coups de couteau."
Christian Berroyer tente de se protéger derrière sa chaise, bien modique face à la détermination de l’ancien élève fiché pour radicalisation islamiste. "En reculant, je suis tombé sur une bordure qui protégeait le marronnier de la cour. Mon chef Jacques Davoli est venu à mon secours", poursuit-il. "Il m’a sauvé la vie. Je me suis retrouvé dans le réfectoire, mais je ne sais pas encore comment."
Pour son geste de bravoure, Christian Berroyer va être décoré ce lundi 11 mars par Gabriel Attal lors de la cérémonie d’hommage aux victimes du terrorisme organisée à Arras.
"Le gouvernement est derrière nous"
"Revoir les collègues qui étaient dans l’action avec moi ça va être beaucoup d’émotion", confie l’agent d’entretien à RMC. "Ils ont été gravement touchés dans leur chair. Ça ne doit pas arriver, l’école est un sanctuaire", souffle-t-il.
Cette cérémonie, pour Christian Berroyer est avant tout "symbolique". "Cela prouve que le gouvernement est derrière nous. Et des millions de Français vont le voir donc ça va nous faire du bien", poursuit-il.
Après le drame, l’agent d’entretien, qui a rapidement pris le chemin du retour au lycée Gambetta, s’est interdit de passer devant le réfectoire où a eu lieu l’agression. "Pendant un mois, je ne passais pas par là, j’avais des images de l’attaque. Je suis encore dans le déni. Je n’aime pas le mot héros, je suis une personne lambda", rapporte-t-il à La Voix du Nord.
Aujourd'hui, l'agent d'entretien "aspire à retrouver la tranquillité". L'homme est suivi par un psychologue et confie peu dormir et avoir "toujours ça en tête" à nos confrères. "J'appréhende la reconstitution et le procès, ça va être quelque chose."