Jusqu'à 11 échelons sous le Smic: quelles sont les branches professionnelles mauvaises élèves pour les salaires?
Plus d'un Français sur sept qui ne touche pas plus que le Smic. Et la situation n'est peut-être pas prêt d'évoluer. Ces 18 derniers mois en effet, le salaire minimum a augmenté de près de 10% avec le retour de l'inflation. Le Smic net mensuel est passé de 1230,60 euros à 1353,07 euros.
Les salariés payés au Smic ont eu droit à une revalorisation de 120 euros mais ce n'est pas le cas loin de là de l'ensemble des salariés qui ont bénéficié d'une hausse moyenne de 3,8% selon la Dares. Mécaniquement, une part croissante de salariés va se retrouver au Smic alors qu'ils ne l'étaient pas les années précédentes.
"On est un des pays où le salaire minimum est un des plus élevés en Europe, mais le salaire médian est un l'un des plus proches du salaire minimum en Europe, reconnaissait d'ailleurs Emmanuel Macron en mars dernier. Ce qui fait que les carrières sont écrasées dans notre pays et c'est un peu désespérant pour certains de nos compatriotes."
Pour éviter cet écueil, syndicats de salariés et représentants patronaux se réunissent pour établir de nouvelles grilles de salaires et notamment les minima de branches. Or avec les hausses successives du Smic, de nombreuses branches sont à la traîne.
"Ces augmentations accroissent le nombre de salariés dans les parages du Smic, prévient Thierry Pech, le directeur général de Terra Nova qui a publié en 2022 une étude sur les "smicards à vie". Cela provoque un mal-être chez les salariés et accentue les tensions de recrutement."
Selon les syndicats interrogés, sur les 171 grandes branches professionnelles de plus de 5000 salariés du pays, 86 d'entre elles ont des minima sous le Smic. Depuis la dernière hausse du Smic au 1er janvier dernier, elles n'ont pas encore mis à jour leurs grilles.
11 niveaux sous le Smic dans le caoutchouc
"Dans certaines d'entre elles, il y a des recommandations patronales en faveur des hausses, reconnaît une syndicaliste en charge de ces questions. Mais elles n'engagent pas l'ensemble des entreprises de la branche."
Si aucun employeur ne peut légalement payer un salarié en dessous du salaire minimum, il va en revanche se référer à la convention collective pour établir la rémunération des salariés qui grimpent des échelons. Or certaines branches ont parfois plusieurs niveaux en dessous du Smic.
Actuellement, c'est la branche des industries du caoutchouc dans la chimie qui a le plus de retard avec pas moins de 11 niveaux sous le Smic. Un salarié de cette branche peut donc en théorie grimper 11 échelons et rester au salaire minimum, son employeur n'étant pas tenu de l'augmenter.
Derrière ce cas extrême, certaines branches ont jusqu'à sept niveaux sous le Smic. C'est le cas de la branche bois d'œuvre (construction de charpentes en bois) ou des espaces de loisirs et des parcs d'attraction. D'autres enfin en ont cinq comme la branche des magasins de bricolage ou celle des industries de la volaille.
Les partenaires sociaux de ces branches ne respectent pas la loi qui les oblige à négocier de nouveaux minimas dans les 45 jours qui suivent la dernière hausse du Smic. La dernière étant intervenue le 1er janvier dernier, cela fait donc 102 jours que ces grilles n'ont plus été négociées pour la moitié des grandes branches professionnelles.
Le gouvernement a prévu des sanctions dans sa loi "pouvoir d'achat" de l'été 2022 pour les branches qui ne respecteraient pas le délai de négociation. Elles peuvent être fusionnées avec une autre branche plus vertueuse.
"Ce n'est jamais arrivé encore, indique une syndicaliste. Ce n'est pas toujours facile à faire, comment voulez-vous fusionner la branche de la volaille avec celle de la chimie par exemple?"
Pour de nombreux syndicats et organisations patronales, la sanction prévue est démesurée et inadaptée. C'est d'ailleurs pour ça qu'elle n'a pas été appliquée jusqu'à présent. Certains syndicats comme la CFDT préconisent de sanctionner les branches concernées en ne faisant plus bénéficier les entreprises des exonérations de charges sociales sur les bas salaires.