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Transports

Kevin Speed: les doutes demeurent sur le modèle économique du nouvel opérateur de TGV

Ce nouvel opérateur français entend lancer des liaisons vers Lille, Strasbourg et Lyon avec une desserte des gares intermédiaires et une approche tarifaire à très agressive.

Bientôt de nouveaux concurrents pour les TGV de la SNCF? Après Trenitalia et la Renfe et bientôt la compagnie Le Train, un nouvel acteur se positionne: Kevin Speed et son service ilisto.

Sa stratégie: offrir "la grande vitesse pour tous, tous les jours" avec "des trains rapides (300 km/h) et abordables (low-cost) entre les métropoles et surtout entre les villes situées proches de celles-ci. Une sorte de RER à grande vitesse donc. Trois premières lignes sont au programme avec l'objectif de se lancer commercialement fin 2028: Lille-Paris, Strasbourg-Paris et Lyon-Paris.

Carte des dessertes de Kevin Speed
Carte des dessertes de Kevin Speed © Kevin Speed

On le sait, lancer un nouvel opérateur ferroviaire de zéro est une aventure longue, complexe et surtout très coûteuse puisqu'il faut acheter des trains neufs qui en plus sont peu disponibles.

Une première étape a été passée, l’opérateur a conclu avec SNCF Réseau un accord-cadre sur 10 ans pour l'utilisation des sillons nécessaires lorsque tout sera prêt.

Concernant les rames TGV, Kevin Speed affirme s'être engagé à acheter 20 nouvelles rames à Alstom. L'industriel français confirme à BFM Business, "être en discussions exclusives avec Kevin Speed. Ces trains à grande vitesse feront partie de la gamme Avelia d’Alstom. L’offre est en cours de finalisation entre Alstom et Kevin Speed".

1,2 milliard d'euros à trouver avant la fin de l'été

Reste que selon nos informations, rien de concret n'a été signé. Ces négociations exclusives signifient surtout que Kevin Speed s’engage à ne pas acheter de trains à un concurrent d’Alstom.

La question du financement se pose, surtout pour un opérateur qui part de zéro. Il faut savoir qu'une rame de TGV coûte autour de 30 millions d'euros. Rien que pour les rames, la maintenance et la formation des conducteurs, 1 milliard d'euros seront nécessaires.

La jeune entreprise espère réaliser une levée de fonds importante rapidement. Selon nos informations, elle cherche à lever 1,2 milliard d'euros d'ici la fin de l'été, et compte également sur le soutien de BPI france. Une mission qui apparaît bien difficile.

L'été dernier, Kevin Speed annonçait sur le plateau de Good Morning Business une première levée de fonds de 4 millions d'euros. Un fonds d'amorçage encore anecdotique.

La question des délais interroge également. Se lancer en fin 2028 veut dire commencer à recevoir des trains en 2026 afin de mener des essais et obtenir les autorisations et homologations de circulation.

Un délai qui paraît assez court au vu du contexte: il faut désormais presque 4 ans pour fabriquer des rames et le carnet de commandes d'Alstom est déjà très rempli, notamment avec les TGV-M déjà en retard. La nouvelle compagnie Le Train en sait quelque chose, elle a du repousser plusieurs fois son lancement à cause de ces délais (la fabrication de ses trains débutera finalement en fin d'année).

Pas de capital, pas de trains et un modèle contraint

Tout comme le modèle économique. Laurent Fourtune, un des fondateurs explique à l'AFP: "Plus on voyage, moins on paye. Avec les prix d'attaque qu'on a prévus, nos trains seront pleins". Et d'évoquer 3 euros aux 100 kilomètres en heure creuse pour les trains à destination de Strasbourg et Lille, et à partir de 5 euros aux 100 kilomètres en heure creuse pour ceux partant pour Lyon.

D'un côté, ces lignes jouissent d'un important trafic, ce qui plaide pour un bon remplissage des trains et donc de la rentabilité. Un argument de poids auprès des banques.

Mais de l'autre, les coûts d'exploitation sont considérables, notamment du côté des péages payés à SNCF Réseau. Preuve en est, les pertes de Trenitalia en France qui dispose d'importants moyens. Avec des prix aussi bas, le remplissage risque de ne pas suffire.

"Nous sommes confiant car nous apportons quelque chose de nouveau", rétorque Jihane Mahmoudi, cheffe des opérations de Kevin Speed à la Voix du Nord. Mais les élus sont dubitatifs. "Ca sent l'effet d'annonce", juge Julien Poix, spécialiste transports et conseiller régional.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business