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L’Etat va (re)nationaliser les activités sensibles d’Atos

Le ministère de l’Economie a déposé une offre de rachat pour les supercalculateurs, la cybersécurité et des métiers liés à l’armée. Il cherche à réunir des industriels de la défense pour reprendre ces activités de l’ancien Bull.

Il est dans l’air du temps de renationaliser les anciennes entreprises publiques devenues privées. L’an passé, le gouvernement a repris 100% du capital d’EDF, privatisée en 2005. Cette année ce sera au tour d’Atos, ou du moins des anciennes activités de Bull.

Dimanche soir, le ministre de l’Economie a déclaré sur LCI avoir envoyé ce week-end une "lettre d’intention en vue d’acquérir toutes les activités de souveraineté d’Atos".

Il s’agit des supercalculateurs, d’une partie de la cybersécurité et de métiers de la division "Mission critical system". Comme l’a révélé BFM Business, "MCS" est jugée sensible alors qu’elle travaille sur les systèmes de communication du Rafale, construit par Dassault Aviation. L’ensemble de ce périmètre que l’Etat souhaite racheter pèse 900 millions d’euros de chiffres d’affaires et compte 4.000 salariés. Ils sont logés dans Bull, toujours filiale d’Atos, qui avait été rachetée en 2014.

Il y a deux semaines, l’Etat avait annoncé s’être octroyé une "action de préférence" au capital de Bull SA, la filiale française de l’ancien fleuron tricolore, pour avoir un droit de contrôle sur ses décisions stratégiques.

Un tour de table avec des industriels

Cette fois, il va plus loin puisqu’il souhaite les reprendre dans son giron. Mais "je souhaite que l’Etat ne soit pas seul, a précisé Bruno Le Maire, il y a d’autres modèles comme Naval Group ou TechnicAtome où il y a l’Etat plus un tour de table avec d’autres acteurs souverains".

L’objectif du gouvernement est de réunir des industriels du secteur de la défense pour qu’ils investissent à ses côtés et gèrent ces activités, comme l’a révélé BFM Business. "L’État n’a pas vocation ni à diriger seul, ni à gérer, a ajouté l’entourage du ministre. Ce serait plutôt le rôle de ces industriels". Chez Naval Group, l’Etat détient 62% du capital aux côtés de Thales (35%) qui gère le constructeur de sous-marins.

Des discussions ont été engagées avec Dassault Aviation et Thales et pourraient être élargies à Airbus qui a été candidat au rachat de ces mêmes activités en début d’année, avant de jeter l’éponge.

L’épineuse question du prix

Désormais, le ministère de l’Economie va discuter avec Atos du prix de rachat de ces activités sensibles. Lors d’une audition au Sénat il y a deux semaines, son président Jean-Pierre Mustier avait indiqué que la valorisation de la division BDS, qui chapeaute ces métiers, était comprise entre 1,5 et 1,8 milliard d’euros, comme l’avait proposée Airbus en janvier. Sauf que les supercalculateurs que l’Etat va racheter ne sont pas rentables. Fin mars, Atos a même publié la marge opérationnelle de BDS qui n’a atteint que 2,5% de son chiffre d’affaires en 2023.

L’État prévoit de formuler une offre ferme début juin. S’il venait, in fine, à racheter ces activités stratégiques, il signerait alors un retour en arrière après avoir privatisé Bull en 1995. Le directeur général de l’époque était… Thierry Breton qui, près de vingt ans plus tard, rachètera l’entreprise alors qu’il dirigeait Atos.

Matthieu Pechberty