L'Ukraine doit-elle s'inquiéter d'une potentielle victoire du RN? Ce que répond le parti
Ces législatives sont historiques et pas seulement pour la France. La situation politique de notre pays est suivie de près à Kiev. Depuis février 2022, la France a soutenu l'Ukraine militairement et financièrement. Or, en cas de cohabitation, des tensions entre le chef de l'État et son Premier ministre pourraient bloquer un certain nombre de dossiers.
Parmi les sujets liés à la Défense: l'aide militaire à l'Ukraine, appuyée par la France à travers l'économie de guerre lancée il y a deux ans par Emmanuel Macron, et organisée par le ministre des Armées Sébastien Lecornu, avec les industriels et la Direction générale des Armées (DGA).
Éviter les "risques d'escalade"
Sur ce sujet, la position du RN s'est réorientée ces dernières années. Alors qu'il a longtemps affiché sa volonté de sortir du commandement intégré de l'Otan, le parti présidé par Jordan Bardella dit aujourd'hui vouloir poursuivre l'aide militaire à l'Ukraine, avec quelques nuances par rapport aux positions prises par Emmanuel Macron.
Le 27 juillet, lors du débat télévisé qui l'a opposé à Gabriel Attal et Emmanuel Bompard, Jordan Bardella a promis qu'il ne laisserait pas "l'impérialisme russe absorber un État allié comme l'Ukraine".
"L'Ukraine n'a pas à s'inquiéter, assure à BFM Business Laurent Jacobelli, porte-parole du Rassemblement national. Si nous arrivons au pouvoir nous continuerons à l'aider à se défendre."
Par contre, le RN dit ne pas vouloir "franchir la ligne rouge" qui pourrait faire de la France un pays cobelligérant. Il est opposé à des systèmes offensifs qui augmenteraient les "risques d'escalade" avec la Russie, comme des missiles longue portée, ainsi que l'envoi de troupes au sol.
"Il s'agit pour nous non pas d'une, mais de deux lignes rouges que la France ne doit pas franchir", nous indique Laurent Jacobelli, ajoutant que "nous sommes une puissance, ce serait jouer avec le feu".
Sur l'envoi de Mirage 2000 pour lesquels des pilotes ukrainiens sont actuellement en formation dans le sud-ouest de la France, le porte-parole du RN estime que cette annonce est "très déclarative".
"C'est un effet d'annonce. On ne sait pas combien d'avion et pourquoi. Ce n'est pas un refus, mais il nous faut en savoir plus sur ces questions", nous répond Laurent Jacobelli.
Trouver des positions communes
Un bras de fer entre le chef de l'État, qui est le chef des Armées, et le Premier ministre est-il possible? Cette opposition constitutionnelle a en tout cas déjà démarré avec une déclaration de Marine Le Pen.
Selon elle, le titre de "chef des Armées" attribué au président de la République (article 15 de la Constitution de 1958) n'est qu'"honorifique". Elle a rappelé les articles 20 et 21 qui précisent que le Premier ministre "dispose de l'administration et de la force armée" et qu'il "est responsable de la défense nationale".
"Sur ces questions, il faudra que la bonne marche constitutionnelle prenne le dessus sur un rapport de force. Les deux hommes devront trouver des positions communes", note Laurent Jacobelli.
Le porte-parole du Rassemblement national s'interroge aussi sur les conséquences d'un rapport de force.
"Est-ce qu'Emmanuel Macron franchira seul ces lignes rouges en se positionnant contre l'Assemblée nationale, l'opinion publique et le gouvernement? Ce ne serait pas souhaitable."
Un ralliement "du bout des lèvres"
Les positions affichées par le RN inquiètent tout de même Kiev. Les Ukrainiens savent que ce parti a depuis longtemps de fortes relations avec Moscou et qu'il ne s'est "rallié que du bout des lèvres au soutien à Kiev", prévient un spécialiste des questions internationales du camp présidentiel.
Un soutien à l’Ukraine qui ne s’exprime que rarement par exemple au Parlement européen. Selon un article du HuffPost, sur 14 scrutins portant sur le soutien à l’Ukraine entre mars 2022 et février 2024, l’eurodéputé Jordan Bardella n’a voté qu’une seule fois pour les mesures de soutien, s’abstenant la plupart du temps.
Sur BFMTV mi-avril, Jordan Bardella s’en était alors expliqué: "Il y a eu plusieurs textes. Nous avons voté la résolution globale qui réclamait des sanctions contre la Russie et qui condamnait avec la plus grande fermeté l'agression." L’eurodéputé n’avait en revanche pas apporté son soutien à d’autres textes, comme par exemple, l’octroi d’un prêt de plus d’un milliard d’euros.
"Nous n'avions pas voté ce texte pour une raison extrêmement simple, c'est que la Cour des comptes européennes a pointé à plusieurs reprises la corruption qui touchait le pouvoir ukrainien et la manière dont ont été détournés les fonds publics qui ont été donnés à l'Ukraine", avait alors expliqué Jordan Bardella.
Pour les Russes, l'arrivée au pouvoir du RN ne changera pas la position de la France sur l'aide l'Ukraine.
"Il ne faut pas s'attendre à une amélioration des relations entre Paris et Moscou après les législatives", a déclaré au journal Parlamentskaïa Gazeta Vladimir Dzhabarov, vice-président de la Commission des Affaires étrangères russe.
Dans un entretien donné à la radio russe BFM [qui n'aucun lien avec BFMTV ou BFM Business, NDLR], l'expert Guéorgui Bovt met en garde contre les faux espoirs d'une réconciliation avec Paris.
"Il ne faut pas exagérer l'importance du Rassemblement national et son influence sur la politique française. Le président français garde la main sur la politique extérieure", prévient Guéorgui Bovt en rappelant que "les leaders du RN ont déjà fait savoir que le soutien français à l'Ukraine ne serait pas remis en cause".