La Commission de régulation de l'énergie veut contrôler les offres des fournisseurs de gaz et d'électricité
La Commission de régulation de l'énergie (CRE) entend tirer les leçons de la récente crise énergétique. Il y a deux ans, certains fournisseurs d'électricité et de gaz avaient profité de la flambée des prix de l'énergie sur les marchés pour la répercuter parfois excessivement sur leurs offres et les contrats passés avec leurs clients. Pour éviter que cette situation ne se reproduise, l'instance avait annoncé début avril le lancement de trois chantiers: la mise en place d’un contrôle prudentiel, l’amélioration de l’information apportée aux consommateurs et un suivi de la cohérence des offres des fournisseurs.
Et elle a récemment communiqué sur ce troisième volet afin d'en dire plus sur les modalités du contrôle de la cohérence des offres proposées par les fournisseurs d'électricité et de gaz.
"L’objectif est de s’assurer que les offres proposées par les fournisseurs soient bien corrélées aux conditions économiques auxquelles ils sont confrontés", indique la CRE qui précise que ce contrôle portera sur les prix des contrats en cours et sur les prix des nouvelles offres proposées par les fournisseurs d'électricité et de gaz.
"Name and shame" voire saisine de l'Autorité de la Concurrence et de la DGCCRF
Concrètement, les fournisseurs devront à partir du 1er janvier 2025 transmettre chaque mois leurs données à la commission dès "qu’une nouvelle offre sera proposée ou que les prix des offres existantes et des contrats en cours seront mis à jour." Les offres destinées aux consommateurs résidentiels seront d'abord ciblées avant un éventuel élargissement aux petits professionnels et petites collectivités territoriales. "Pour les offres de fourniture adressées aux consommateurs professionnels, le contrôle restera le même qu’actuellement c’est-à-dire ad hoc compte-tenu de la diversité des situations", ajoute l'instance présidée par Emmanuelle Wargon.
"Une offre dont le niveau de prix serait très inférieure ou très supérieure aux coûts supportés par le fournisseur pourrait être considérée comme économiquement incohérente", souligne la CRE dans sa délibération du 30 mai.
L'objectif de la Commission de régulation de l'énergie est ainsi de repérer rapidement les mauvaises pratiques avant qu'elles prennent de l'ampleur. Parmi celles-ci, les hausses de prix soudaines d'un mois sur l'autre et que le consommateur ne peut pas forcément déceler. Mais aussi les publicités promettant une décôte conséquente sur le tarif réglementé qui est en réalité compensée par une augmentation du prix de l'abonnement. Ou encore les offres qui mettent en avant des prix particulièrement bas l'été sans préciser que ceux-ci suivent les marchés et remontent donc de manière significative l'hiver.
Si la Commission de régulation de l'énergie détecte des offres incohérentes avec les conditions économiques, elle prévoit plusieurs actions qui iront de la demande de correction auprès des fournisseurs à la saisine de l'Autorité de la Concurrence ou de la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) en passant par l'information des consommateurs, c'est-à-dire le "name and shame".
Des fournisseurs épinglés par le Médiateur pour "mauvaises pratiques"
Une semaine avant la délibération de la CRE sur le contrôle de la cohérence des offres proposées par les fournisseurs d’électricité et de gaz naturel, le Médiateur national de l'énergie avait lui-même épinglé certains fournisseurs pour "mauvaises pratiques".
Il reprochait à Engie, ENI, Ohm Énergie et Wekiwi d'avoir sous-évalué "délibérément" des mensualités pour "tromper les consommateurs sur le coût de leur énergie".
"Ces mauvaises pratiques sont destinées à donner au consommateur l'illusion de prix compétitifs", mais peuvent se solder par des "factures de régularisation de plusieurs centaines, voire milliers d'euros", déplorait le Médiateur dans son rapport annuel.
Ce dernier constate par ailleurs une forte augmentation des litiges liés au changement de prix en 2023. En effet, si le nombre de saisines est resté stable par rapport à 2022 (13.999 en 2023 contre 13.751 en 2022), le nombre de plaintes liées à des changements de prix a de son côté bondi de 74%. Outre la sous-évaluation des tarifs, Wekiwi écope également d'un "carton rouge" pour la deuxième année consécutive "pour ses mauvaises pratiques récurrentes à tous les moments de la vie des contrats". Le Médiateur l'accuse notamment de "démarchages abusifs", d'"offres trompeuses" et "particulièrement complexes à comprendre".
Dans ce contexte, le médiateur national de l'énergie Olivier Challan Belval avat appelé dans un communiqué "le Parlement à légiférer avant la fin de l'année 2024 pour renforcer la protection des consommateurs d'énergie".