BFM DICI
bfmdici

Législatives à Gap: qui est Jérôme Sainte-Marie, qui veut faire basculer la première circonscription au RN

Jérôme Sainte-Marie à Paris le 21 mars 2023.

Jérôme Sainte-Marie à Paris le 21 mars 2023. - Thomas SAMSON / AFP

Niçois d'origine, l'homme a toujours baigné dans la politique avant de franchir le pas en 2022 pour devenir le formateur des cadres du Rassemblement national. Installé à Rosans depuis quelques années, il entend bien faire basculer la première circonscription des Hautes-Alpes. Un département "qu’il connaît très bien" selon ses mots.

Serres. C’est ici que remontent les premiers souvenirs de Jérôme Sainte-Marie lorsqu’on lui parle de son parcours. Là où sa grand-mère maternelle est née. Là où son arrière-grand-père "était inspecteur de l’Éducation nationale", retrace le candidat. Sans même lui poser la question, l’intéressé tient à insister sur les relations privilégiées qu’il entretient depuis longtemps avec les Hautes-Alpes.

"Je ne vais pas y revenir sans arrêt, mais il faut que vous sachiez que…", débute ce cadre du Rassemblement national. Jérôme Sainte-Marie le sait, ses adversaires politiques vont l’attaquer sur son "parachutage" et sur sa supposée méconnaissance de la circonscription qu’il vise lors de ces élections législatives anticipées, celle de Gap et du Buëch.

"Ils ont déjà commencé à me faire ces reproches, c’est de bonne guerre", reconnaît-il.

À l'image de son opposante, Marie-José Allemand. "Cette candidature prouve que le RN fait fi des préoccupations des habitants. C'est une personne qui vient chercher un poste sans se soucier de la vie des acteurs du territoires", tacle la candidate du Nouveau Front Populaire sur la 1ère circonscription des Hautes-Alpes.

"Je le vois comme un homme au bagage intellectuel important. Il connaît aussi le monde de la politique. Mais cela reste un parachuté, et même s'il vient en vacances depuis longtemps ici, il ne semble pas avoir la connaissance du territoire et de ses enjeux", insiste pour sa part Kévin Para, président LR 05 et soutien de Dorian Deininger, candidat LR sur la 1ère circonscription.

De Michel Rocard à Marine Le Pen

Né en Algérie en 1966 avant de déménager sur Nice où il a vécu jusqu’à ses 19 ans, c’est dans la vallée de la Guisane que Jérôme Sainte-Marie venait effectivement passer ses étés. "A Monêtier puis Villeneuve. Mon oncle et ma tante se sont mariés en la collégiale de Briançon. Et durant trente ans, j’y suis revenu car je viens d’une famille qui aime l’alpinisme", poursuit Jérôme Sainte-Marie.

Lycée Masséna, Khâgne et Hypokhâgne, le passionné de montagne veut gravir les marches de l’École Normale Supérieure. Mais le dénivelé est trop important. Il échoue et se rabat sur Sciences-Po Paris où il rencontre une étudiante qui devient son épouse.

"Cela tombe bien, ses parents étaient à Embrun et ça fait 40 ans qu’ils y sont". À croire que cette éminence grise du RN s’est trompée de circonscription… "Mon épouse et moi avons acheté une maison à Saint-André-de-Rosans en 2012. C’est ma résidence principale depuis 2016", coupe le candidat.

Pas de quoi convaincre cet observateur de la vie politique haut-alpine: "C'est un choix méprisant pour les Hautes-Alpes. Il n'aura qu'un rapport distant au territoire. Sauf s'il s'engage à vivre à Gap et à passer quatre jours par semaine dans sa circonscription".

Un objectif potentiellement difficile à atteindre pour celui qui multiplie les allers-retours entre le Buëch et Paris, via la gare TGV de Valence, "pour ses activités". Car elles sont nombreuses.

"Tout a commencé après mes études d’Histoire et Sciences Po", se souvient Jérôme Sainte-Marie. Son service militaire se fera au sein du service d’Information du Gouvernement de l’époque, celui de Michel Rocard. "J’étais dans le département Opinions, donc aux sondages", rembobine-t-il. Tout part de là.

Jérôme Sainte-Marie débute sa carrière à l’institut de sondages Louis-Harris où il est chargé d’études, avant d’aller chez BVA durant dix ans comme directeur du département des études d’opinons. C’est là qu’il se fait un réseau significatif au sein des médias, des partis politiques, entreprises, syndicats et collectivités locales.

"Le plus visible, ce sont les médias. Mais le gros du travail, c’est pour les ministères et les collectivités", assure celui qui finira par créer sa propre société en 2013, PollingVox. Une société d’études, de conseils et de formation. "J’ai travaillé avec toutes les structures et partis politiques", détaille Jérôme Sainte-Marie. De la gauche à l’extrême-droite et au Rassemblement national.

La théorie des "Blocs"

Politisé depuis l’enfance, "mais toujours neutre dans le cadre de mon travail", le sondeur affine son idéologie au fil de ses rencontres et de son expérience. Jérôme Sainte-Marie commence à coucher tout ça sur papier et publie plusieurs essais, dont "Bloc contre Bloc" qui reçoit en 2020 le Prix du Livre Politique à l’Assemblée nationale.

Il y développe la notion de "Bloc Élitaire", celui de Macron, face au "Bloc Populaire" de Le Pen. "Selon moi, ce n’est pas un hasard que le RN se soit développé à partir d’un vote populaire car il y a un rapport de nécessité réciproque entre la Nation et les catégories populaires. De Gaulle, Péguy et Jaurès le disaient déjà", affirme le candidat.

Et de poursuivre: "La gauche ne veut plus comprendre ce lien entre les catégories populaires et la Nation et se projette dans un imaginaire post-national. Et les autres ne comprennent pas que l’idée nationale doit aussi s’appuyer sur une sociologie".

Ne reste plus, donc, selon lui, que le Rassemblement National. Marqué par le referendum de Maastricht qu’il a rejeté en 1992, trahi seize ans plus tard lors du vote du Congrès en 2008 qui n’a pas respecté le "non" du peuple français exprimé par référendum pour le projet de traité constitutionnel européen en 2005, Jérôme Sainte-Marie a basculé et affirmé ses positions.

Éphémère militant chez Jean-Pierre Chevènement dans ses jeunes années, c’est en 2011 qu’il ressent un premier coup de foudre idéologique. Ce jour-là, il commente en direct sur BFMTV le discours inaugural de Marine Le Pen à la tête du Front national. "Elle parlait d’État et de social, ce que je pensais par ailleurs. Sans cesse, j’étais d’accord avec elle sans pour autant avoir des affinités particulières. Sur l’Europe et la souveraineté, j’étais très proche d’elle et de son attachement aux catégories populaires".

Et puis, il y a le reste des idées qui séduit aussi. "L’islamisation de l’espace public qui se retrouve avec une assimilation à l’envers. Je viens de Nice et habite à Paris, donc les attentats m’ont également ébranlé, 300 morts en deux ans…", confesse Jérôme Sainte-Marie.

C’est en 2022 qu’il franchit vraiment le pas. "Avant, je n’avais aucune mission rémunérée avec le parti", jure le sondeur. Mais à la suite des dernières élections législatives, un contrat est signé entre PollingVox et le Rassemblement national. Depuis, le politologue assure la formation politique des adhérents et cadres du RN.

Malgré son CV et ses expériences, sa candidature peine à convaincre au sein même de son propre parti. "Cette nomination passe mal auprès des adhérents. Le RN prouve là qu'il n'est pas un parti où la méritocratie s'exerce. Franchement, ça ne passe pas...", confie un adhérent du RN 05 sous couvert d'anonymat.

"C'est un type brillant, intelligent mais j'ai du mal à savoir ce qu'il pense politiquement. Un combat politique, ce n'est pas juste une idéologie, c'est aussi une connaissance des arcanes pour appliquer les propositions que l'on fait. Les fameux députés 'godillots' ne permettent pas de remporter la guerre", attaque également un cadre du RN en Provence-Alpes-Côte d'Azur, fidèle à la ligne historique du parti.

Adhésion au RN: la question qui fâche

Père de deux enfants, Jérôme Sainte-Marie s’est marié deux fois. "Mais toujours à la même femme", plaisante-t-il. Passionné de littérature, l’homme aime la gastronomie et la marche. Mais c’est en courant qu’il va de plateaux télés en studios de radio tellement les sollicitations sont nombreuses.

BFMTV, France-5, C-News mais aussi France Culture et France Inter. "Des médias qu’on ne peut pas toujours classer à droite", se félicite le candidat, invité avant tout selon lui "parce qu’il n’est pas dans la polémique stérile".

Ses idées, Jérôme Sainte-Marie sait les exprimer sans sourciller avec calme et assurance. Sauf quand on lui demande s’il a sa carte au Rassemblement national. "Comment dire...? Je vous le dirai plus tard...", répond-il, embarrassé. Parole tenue.

Dix minutes après avoir raccroché, Jérôme Sainte-Marie rappelle et clarifie sa situation politique: "Oui, je suis bien adhérent au RN, c’est la première fois que je le dis". Il y a une première fois à tout…

Valentin Doyen