Législatives: ce que les ministres vont pouvoir faire (ou non) après avoir quitté le gouvernement
Les résultats des élections législatives à peine connus, Gabriel Attal a présenté sa démission à Emmanuel Macron. Mais le président de la République a demandé au Premier ministre de conserver son poste pour "assurer la stabilité du pays" alors que Paris et la France doivent accueillir les Jeux olympiques à partir de la fin du mois. Les ministres actuels vont donc être amenés à gérer les affaires pour une durée indéterminée mais pour certains d'entre eux, le temps de songer à "l'après" est déjà venu.
Tout ne leur sera cependant pas permis et ils vont d'abord devoir s'acquitter de plusieurs obligations auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). D'abord, quelle que soit la suite qu'ils comptent donner à leur carrière, et comme c'est le cas après leur entrée au gouvernement, les ministres doivent transmettre à la Haute autorité une déclaration de patrimoine et une déclaration d'intérêts dans les deux mois suivant la fin de leurs fonctions. Il s'agit pour la HATVP d'un moyen de vérifier qu'un ministre ne s'est pas enrichi d'une manière illicité durant son passage au gouvernement.
Des anciens ministres recalés
Ensuite, dans les trois années suivant la fin de leurs fonctions, les anciens ministres qui envisagent d'exercer une activité libérale (médecin ou avocat par exemple), d'être embauchés par une entreprise du privé ou de travailler pour un établissement public industriel et commercial (EPIC) doivent saisir la Haute autorité. Celle-ci rend alors un avis sur la compatibilité ou non de cette nouvelle activité avec les anciennes fonctions gouvernementales en fonction des risques de conflits d'intêrêt et des risques déontologiques.
Trois options sont alors sur la table pour la HATVP: un avis de compatibilité s'il n'y a aucun risque, un avis de compatibilité avec réserves si ces mesures de précaution sont nécessaires ou un avis d'incompatibilité. Selon le dernier rapport d'activité de la HATVP, qui porte bien au-delà du seul cas des ministres, le contrôle de la mobilité vers le secteur privé a donné lieu à 79% d'avis de compatibilité avec réserves, 13% d'avis de compatibilité et 7% d'avis d'incompatibilité.
Après leur passage au gouvernement, l'ancien Premier ministre Édouard Philippe et l'ex-secrétaire d'État au numérique Cédric O avaient ainsi tous les deux saisi la HATVP en raison de leur volonté de rejoindre le conseil d'administration du groupe informatique Atos. La HATVP avait rendu en 2020 un avis favorable avec réserves dans le premier cas. Elle avait en revanche émis un avis d'incompatibilité pour Cédric O en raison de l'attribution de subventions publiques à Atos lorsqu'il était secrétaire d'État.
En 2022, la Haute Autorité s'était également prononcée contre l'entrée de l'ex-ministre délégué aux Transports Jean-Baptiste Djebbari au sein de CMA CGM (groupe propriétaire de BFMTV et RMC via sa filiale CMA MEDIA) en tant que vice-président du pôle spatial que l'armateur songeait à créer. La HATVP estimait dans son avis qu'il existait des "risques déontologiques substantiels".
Les cas délicats de Le Maire et Dupond-Moretti
Pour les éventuelles reconversions des ministres actuellement en place, celles du ministre de l'Économie Bruno Le Maire et du ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti pourraient donner le plus de fil à retordre. Si ce dernier entendait exercer à nouveau en tant qu'avocat, la HATVP devrait notamment s'assurer du fait qu'il ne s'occupe d'aucune affaire dont il aurait pu avoir connaissance pendant qu'il était ministre.
Comme Éric Dupond-Moretti valide ou refuse régulièrement les projets de nomination des magistrats ou de mutation des magistrats en sa qualité de garde des Sceaux, le voir plaider devant eux pourrait évidemment représenter un problème. Auprès de BFMTV, un avocat bien informé confie que le ministre pourrait s'orienter vers une activité de conseil ou d'arbitrage sans véritablement retourner dans les prétoires, comme d'autres ministres l'ont fait avant lui.
Après l'élection d'Emmanuel Macron en 2017, l'ancien Premier ministre Bernard Cazeneuve avait ainsi décidé de reprendre son activité d'avocat en réintégrant le cabinet d'affaires August Debouzy au sein du département "contentieux - arbitrage - pénal des affaires".