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Les voyageurs trouvent les trains trop chers: une baisse des prix est-elle possible?

La question tarifaire arrive bien devant les problématiques liées aux retards ou aux destinations desservies selon une étude. La concurrence est un levier, mais pas seulement.

Depuis le Covid, le train est plébiscité, en Europe comme en France. Il suffit d'observer par exemple les chiffres de trafic de la SNCF qui ont été record l'an passé et les TGV seront encore être pleins cet été.

Mais pour les consommateurs, le prix du billet demeure un frein. Selon une étude menée en France, en Grande-Bretagne et en Allemagne par le cabinet Wavestone, la baisse des tarifs apparaît comme une priorité pour 39% des sondés.

TGV de l'été: pourquoi les prix des billets grimpent-t-ils aussi vite?
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Un souhait qui arrive en tête de liste, loin devant les autres comme la réduction des retards et des annulations (18%), la volonté de voyager plus vite (10%) ou encore la réduction de l’impact environnemental (8%).

En France, des augmentations sensibles

Cette question du tarif est particulièrement prégnante en France (41%) et arrive également en toute première priorité chez les 18-24 ans même si l’importance du critère prix augmente plutôt avec l’âge. "Cela s’explique en partie par les tarifs préférentiels à destination des jeunes (abonnements dédiés, tarifs réduits)", explique Julien Joly de Wavestone.

En France, les augmentations moyennes sont sensibles depuis plusieurs années malgré la hausse du trafic. La SNCF met en avant une hausse importante de ses coûts (énergie, salaires...) pour justifier 5% de hausse sur les TGV en 2023 et +2,6% cette année.

Selon le dernier rapport du régulateur des transports, le prix moyen des trains à grande vitesse a augmenté de 7% en 2023, "soit plus fortement que l’inflation, mais reste inférieur en termes réels au niveau de 2019".

"Les prix ont augmenté pour l’ensemble des classes tarifaires et distances parcourues, mais plus fortement pour les services à bas coûts Ouigo (en hausse annuelle de près de 10 %, contre 5 % pour les autres services", peut-on lire.

Mais c'est surtout la perception de ces prix qui irrite. Rappelons que les tarifs évoluent à la hausse en fonction des dates et du remplissage des trains. Mais avec une demande croissante, le remplissage des trains est plus rapide donc les paliers tarifaires sont plus vite passés et les maximums plus vite atteints.

"Baisser les prix n'est pas toujours simple pour les compagnies qui font face à l’inflation notamment sur les salaires et l’énergie. Les compagnies peuvent bien sûr proposer des produits plus abordables", explique Julien Joly.

Ce que tente de faire la SNCF en développant son offre low cost Ouigo (75 gares au lieu de 60 d'ici à 2027 avec plus de trains en circulation). L'opérateur souhaite ainsi que Ouigo représente 30% de son trafic grande vitesse d'ici à 2030 contre 20% aujourd'hui et 33 millions de clients par an, soit 30% de plus que l'an passé.

L'arrivée d'un concurrent fait baisser les prix, mais pour combien de temps?

Mais c'est avant tout la concurrence qui permet d'observer une baisse des prix. Selon une étude de Trainline, le prix de Paris-Lyon a baissé de 43%, si l’on compare l’année 2023 à l’année 2019 avec l'arrivée de Trenitalia. Une récente étude de E-Cube Strategy Consultants évalue cette baisse à 23% sur la même période.

Attention néanmoins à l'effet loupe. Si les nouveaux entrants cassent les prix dans un premier temps pour gagner des parts de marché, rien ne dit que cette politique agressive puisse être maintenue à long terme compte tendu des difficultés à être rentable.

Ce repli tarifaire est également alimenté par la SNCF elle-même avec la montée en puissance de Ouigo TGV et de Ouigo Trains classiques sur l'axe afin de contrer Trenitalia.

En Espagne, "en moyenne, l’arrivée de la concurrence sur les lignes Madrid-Barcelone et Madrid-Valence a entraîné une baisse des prix de plus de 20%. Cette baisse des prix s’est par la suite confirmée sur d’autres lignes. Les nouvelles lignes qui se sont ouvertes à la concurrence depuis, dans le Sud de l’Espagne, ont connu des prix 25 à 55% plus bas que ceux pratiqués par la Renfe" avant l'arrivée de la concurrence, affirme E-Cube.

Encore faut-il que les concurrents puissent se positionner. Les prix des péages payés par les opérateurs aux gestionnaires de réseau apparaît ainsi comme un obstacle de taille à la baisse des prix.

Les péages, principal frein à la baisse des prix

"Dans tous les cas, la baisse du prix des péages ferroviaires en France (près de 40% du prix d’un billet longue distance) est l’un des leviers principaux à étudier", confirme Julien Joly.

Problème, les tarifs proposés par SNCF Réseau, les plus élevés d'Europe (surtout pour les lignes à grande vitesse), devraient encore augmenter dans les prochaines années pour financer la régénération du réseau.

Le cabinet plaide donc pour une baisse de ces péages. Une baisse qui ne devrait pas remettre en cause la capacité d'investissement du gestionnaire de réseau, car elle permet à la concurrence d'attaquer le marché plus facilement, de générer du trafic supplémentaire et donc plus de revenus pour le gestionnaire. Une sorte de cercle vertueux.

"Par l’augmentation des fréquences réalisées par les entreprises ferroviaires, le gestionnaire d’infrastructures devrait connaître mécaniquement une augmentation de ses revenus" souligne l'étude d'E-Cube.

"La réduction du péage ferroviaire unitaire sur le long terme n’est pas forcément une mauvaise affaire pour le gestionnaire d’infrastructures: en baissant le prix moyen du billet de train, la réduction du niveau de redevance permet de générer une demande induite supplémentaire pour le transport ferroviaire longue distance", peut-on lire.

Ce cas de figure a d'ailleurs été observé en Italie ou le régulateur a justement fait baisser le prix des péages favoriser l'entrée de concurrents. "Le prix des péages a diminué de -36% entre 2013 et 2015 sur les lignes ouvertes à Italo", poursuit E-Cube.

Mais grâce au trafic supplémentaire généré, "les revenus liés à l’infrastructure ferroviaire ont retrouvé, dès 2017, leur niveau de 2013, malgré des prix unitaires plus faibles". Tandis que les prix pour les consommateurs ont baissé de manière "persistante de 10 à 15% en moyenne". CQFD.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business