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Lumière bleue, fatigue oculaire... Les écrans sont-ils vraiment dangereux pour nos yeux?

Si des études alertent sur le danger des écrans pour le corps, d’autres pointent le manque de preuve scientifique. Qu’en est-il vraiment?

Smartphones, tablettes, télévision... Les écrans font partie intégrante de nos vies. Utiles dans le cadre du travail, à l’école et pour se divertir, ils suscitent pourtant de nombreuses inquiétudes, étant considérés comme dangereux, notamment pour les yeux. 

Alors que nombre de personnes regardent un écran plusieurs heures par jour, une étude publiée par l’American Optometric Association (AOA) en janvier 2024 a de nouveau alerté sur ce danger.

"Plus de 104 millions d’Américains en âge de travailler passent plus de sept heures par jour à regarder des écrans numériques, ce qui a des conséquences sur la santé", a-t-elle alerté. 

Sécheresse oculaire, maux de tête, myopie...

D’après cette étude, deux heures par jour d’utilisation d’écran peuvent entraîner une fatigue oculaire, avec des symptômes tels que la sécheresse oculaire, une vision floue ou encore des maux de tête. Une fatigue qui n’est pas sans conséquences, pouvant nuire à la qualité du sommeil, mais aussi "aggraver des affections oculaires non diagnostiquées" si elle n’est pas prise en charge, a alerté l’AOA.

"Il y a essentiellement deux types de dangers", indique Laurence Desjardins, ophtalmologiste de l’institut Curie et directrice scientifique de la Société Française d’Ophtalmologie, à Tech&Co.

"Le premier concerne les personnes qui ont les yeux secs. Souvent, quand elles sont devant un écran, elles ont tendance à ne pas cligner suffisamment des yeux", explique-t-elle, ajoutant que cela peut aggraver des problèmes de sécheresse au niveau de la surface oculaire (irritations, rougeurs...).

Le second danger est lié au fait de trop regarder l’écran de près, en passant plus de temps devant un écran qu’à l’extérieur. Un problème qui touche surtout les enfants. "Cela peut provoquer des myopies chez les enfants. Il y a une véritable épidémie de myopie en Chine, qui est due au fait que les enfants chinois sont trop souvent sur les écrans et pas assez à l’extérieur", souligne Laurence Desjardins.

Lumière bleue: danger non prouvé

Si plusieurs études ont mis en garde contre le danger de la lumière bleue des écrans, celle-ci n’est pas réellement néfaste. "Il n’y a pas de preuve scientifique que la lumière bleue est vraiment dangereuse", tempère Laurence Desjardins. Les écrans en eux-mêmes ne sont en effet pas le problème. C’est plutôt leur utilisation prolongée qui est problématique.

Alors qu’il est conseillé de ne pas regarder un écran avant d’aller dormir, car la lumière bleue peut nuire au sommeil, des études récemment relayées par le Wall Street Journal montrent que ce lien est bien plus nuancé.

"Il s’agit d’une interaction entre les vulnérabilités d’une personne – et tout le monde n’a pas ces vulnérabilités - et le type d’activité qu’elle effectue sur ces appareils", a expliqué Michael Gradisar, psychologue clinicien australien et co-auteur d’une étude publiée dans la revue Sleep Medicine Reviews.

Autrement dit, certaines personnes sont plus sensibles à la lumière bleue que d’autres et leur sommeil peut être perturbé par l’utilisation d’un écran avant d’aller dormir, mais ce n’est pas le cas de tout le monde.

En 2014 déjà, Michael Gradisar avait mené une étude avec d’autres chercheurs au cours de laquelle des adolescents ont joué à des jeux et regardé des vidéos sur des iPad avec trois niveaux de luminosité différents (écran blanc lumineux, écran avec luminosité réduite et écran doté d’une application permettant de réduire les émissions de lumière bleue) avant de se coucher.

Résultat: les adolescents utilisant un écran lumineux ont seulement mis, en moyenne, 3,3 minutes de plus à s’endormir que ceux avec un écran dont la luminosité était réduite.

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Malgré le manque de preuve scientifique, des dispositifs ont été conçus pour lutter contre la lumière bleue. "Certaines personnes ont l’impression que ces dispositifs leur font du bien", indique Laurence Desjardins. Parmi ceux-ci figurent notamment des lunettes avec des verres anti-lumière bleue. L’ophtalmologiste estime d’ailleurs que c’est une bonne chose, pour les personnes qui portent des lunettes d’utiliser ce type de filtre. Les fabricants de smartphones ont eux aussi intégré des fonctions pour diminuer la lumière bleue émise par les écrans, par exemple le soir.

"Il n’y a pas vraiment de danger. C’est plus une question de fatigue visuelle, pour les gens qui, par exemple, n’ont pas une correction optique optimale", souligne Laurence Desjardins.

Elle recommande ainsi aux personnes de vérifier qu’ils n’ont pas besoin de lunettes et pour celles qui en portent, de s’assurer qu’elles soient bien adaptées à leur vue. Comme beaucoup d’autres, elle préconise également de faire des pauses dans l’utilisation des écrans.

Kesso Diallo