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"Particulièrement dangereux": les nitazènes, ces nouveaux opioïdes de synthèse qui inquiètent

L'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a décidé d'inscrire ces composés sur la liste des stupéfiants, compte tenu des risques pouvant engager le pronostic vital. Deux cas de décès ont été rapportés en France.

Une alerte à prendre très au sérieux. L'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a mis en garde ce lundi 8 juillet sur la circulation en France de nouveaux opioïdes de synthèse, les nitazènes, "particulièrement dangereux" car "plus puissants que d'autres opioïdes" dont la morphine.

"Compte tenu de ces risques, et dans un contexte où les mouvements de populations estivaux vont être très importants en France, les autorités ont décidé l'inscription de ces composés sur la liste des stupéfiants", indique le gendarme du médicament. Cela signifie que "la production, la vente et l'usage" des nitazènes seront interdits à partir de mardi.

Mise en jeu du pronostic vital

Ces substances, nommées aussi "dérivés benzimidazolés" et présentées sous forme de poudre, comprimé ou liquide, sont utilisées principalement pour soulager la douleur, comme la morphine ou le fentanyl, qui font aussi l'objet d'un marché et d'une consommation illicites.

"Ils peuvent provoquer des overdoses" qui "peuvent survenir brutalement, dans un délai très court après la prise, et entraîner une mise en jeu du pronostic vital, du fait de leur puissance", avertit l'agence publique. Elle recommande aux usagers et à leur entourage "d'avoir à disposition un ou plusieurs kits de naloxone, l'antidote en cas d'overdose".

Les signes d'une overdose aux opioïdes peuvent également "se manifester plusieurs heures après" par une difficulté à respirer normalement, des nausées, une pupille rétrécie, des troubles de la conscience, une somnolence allant jusqu'au coma pouvant entraîner un décès, détaille l'ANSM.

Deux décès en France, des dizaines en Europe

Deux cas de décès ont été rapportés en France. En Angleterre et en Europe de l'Est, plusieurs dizaines de décès en lien avec des nitazènes ont été rapportés depuis 2023. L'ONU a alerté le 26 juin, dans un rapport, sur l'émergence de ce nouveau groupe de drogues de synthèse potentiellement plus puissantes que le dévastateur fentanyl et sur une "vague" de décès associés.

Les nitazènes, 500 fois plus forts que la morphine, "sont apparus récemment dans les pays à hauts revenus, provoquant une augmentation des morts par overdose", a observé l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC).

"La difficulté avec ces produits, puisque ce sont des produits de synthèse et qu'ils sont nouveaux, est de les mettre en évidence et de les repérer dans des prélèvements, a expliqué à BFMTV la Pr Joëlle Micallef, présdente du Réseau français d'Addictovigilance. On a pu le faire pour ces deux décès mais hélas on craint qu'il y ait eu également d'autres décès avec ces produits."

La problématique des tests

Notant "l'expansion de ces opiacés très puissants", provenant principalement de Chine, une experte, Angela Me, a évoqué un probable lien avec "la situation en Afghanistan", où la production d'opium a chuté depuis le bannissement de la culture du pavot par les talibans. L'ONUDC s'est inquiété que "les consommateurs d'héroïne se tournent vers des opioïdes de synthèse posant de graves risques pour la santé", comme le fentanyl, les traitements de substitution aux opiacés (méthadone, subutex), et désormais les nitazènes.

Les autorités se concentrent également sur la détection de ces opiacés, via le développement de tests qui doivent évoluer en même temps que ces drogues apparaissent. "Aucun des tests utilisés aujourd'hui en France ne permet de détecter ces nitazènes", a déclaré auprès de BFMTV Jean-Claude Alvarez, professeur en pharmacologie et chef de service du laboratoire de pharmacologie toxicologie de l'hôpital Raymond-Poincaré de Garches.

Il a ajouté: "Il faut obligatoirement faire une analyse plus poussée, une analyse en chromatographie couplée à la spectrométrie de masse pour pouvoir détecter ces molécules donc c'est un énorme risque."

Caroline Dieudonné avec AFP