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Pourquoi le blocage des prix alimentaires du NFP pourrait faire perdre du pouvoir d'achat aux Français

Une des mesures phares du Nouveau Front populaire intervient dans une période de baisse des prix en grande distribution. Bloquer les prix apparait donc comme improductif en période de déflation et a des effets indésirables inflationnistes en période de hausse des prix.

C'est la mesure qui arrive en premier dans le programme du Nouveau Front populaire. S'il accède au pouvoir (sans majorité absolue à l'Assemblée), le groupe entend dans les 15 premiers jours "bloquer les prix des biens de première nécessité dans l’alimentation, l’énergie et les carburants par décret."

Outre le fait que bloquer les prix des carburants est discutable sur le plan écologique et profiterait surtout aux ménages aisés qui en sont les plus gros consommateurs (au même titre que la baisse de la TVA souhaitée par le RN), qu'en serait-il de l'alimentaire?

Quel produits seraient concernés? Pour quelle durée? Quelles gammes? Les producteurs seraient-ils éventuellement dédommagés? Le Nouveau Front populaire n'en dit pas plus. En 2022, le candidat Jean-Luc Mélenchon assurait cependant que devaient être concerné "un panier de cinq fruits et légumes, ainsi qu'une série de biens de consommation comme les pâtes, le maïs ou l'habillement".

Au delà de la faisabilité légale d'une telle mesure, très encadrée par le Code du commerce, quelles pourraient être les conséquences économiques d'un tel blocage?

La plupart des prix baissent déjà

Il faut rappeler que cette mesure interviendrait dans une période de fort ralentissement de l'inflation (aux alentours de 2% actuellement) et notamment sur l'alimentaire où la hausse annuelle n'était plus que de 0,8% en juin selon l'Insee.

Or, une hausse annuelle aussi faible induit en réalité de très nombeuses baisses de prix. Ce qui veut dire qu'un grand nombre de références en grande distribution sont déjà en déflation. Mesurés par la société Circana, les prix baissent effectivement chaque mois en grandes surfaces et ce depuis septembre dernier.

Ainsi en juin 2024, l'inflation était négative pour toutes les catégories de produits de grande consommation: de l'hygiène et l'entretien (-0,3%) à l'épicerie (-0,2%) en passant par les produits frais (-0,3%) et les liquides (-0,6%). Des baisses encore plus marquées pour les catégories "premiers prix" avec par exemple du -1,2% sur les liquides ou du -0,7% sur le frais.

Dans ce contexte de déflation, "décider du prix des produits en concertation avec les producteurs" comme le souhaitait Jean-Luc Mélenchon en 2022 aurait pour conséquence de stopper les baisses de prix sur les produits concernés et donc de faire perdre potentiellement du pouvoir d'achat aux consommateurs. Soit l'inverse de l'objectif visé.

Bloquer les prix en période de déflation revient donc à restreindre la concurrence et à gonfler artificiellement les marges des producteurs qui profitent, eux, en revanche, de la baisse du coût de nombreuses matières premières.

Et si l'inflation repart?

Il ne s'agirait donc pas de "bloquer les prix" comme l'indique le programme mais plutôt alors de fixer des prix plafonds à ne pas dépasser. Que se passerait-il alors si l'inflation venait à repartir? Ces "prix plafonds" protègeraient-ils les consommateurs?

Dans ce cas, là encore le blocage des prix pourrait paradoxalement produire des effets inflationnistes. C'est ce qu'ont pu constater les Hongrois lorsque le gouvernement de Viktor Orban a bloqué, début 2022, les tarifs de quelques produits alimentaires de base.

Une liste très précise de produits ont ainsi vu leur prix gelé à leur niveau d'octobre 2021: sucre en poudre, blanc de poulet ou encore lait et huile de tournesol. Dans un contexte de hausse des cours, les producteurs ont du fortement augmenter les prix des autres produits pour compenser les pertes subies sur les références à prix bloqués.

Le prix du blanc de poulet bloqué? Celui des cuisses ou du blanc de dinde a bondi. Idem pour le prix du sucre glace quand celui du sucre en poudre était bloqué ou encore pour celui de certaines conserves afin de compenser le blocage du prix du maïs.

"Les prix des produits proches des produits aux prix gelés ont parfois immédiatement bondi de 50%", décrivait Grzegorz Sielewicz, de la Coface, dans Les Échos.

D'autant que les consommateurs n'avaient plus que le choix de ces produits en rayons, ceux à prix bloqués ayant été achetés massivement et stockés. Résultat, les prix alimentaires étaient en moyenne en hausse de 44% en Hongrie après un an de blocage, selon les données de la Banque Mondiale, quand dans le même temps ils augmentaient en moyenne de 13% en France.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco