Pourquoi le marché immobilier reste bloqué alors que le taux d'usure dépasse les 4,5%
Les taux d'usure continuent sur leur lancée. Actualisés tous les mois depuis février, les nouveaux barèmes pour le mois de mai ont été publiés au Journal officiel. Si le taux reste sous les 4% pour les prêts de moins de 10 ans (3,91%), il dépasse les 4% pour les autres durées (4,33% pour les prêts entre 10 et 20 ans) et atteint même 4,52% pour les plus de 20 ans.
Pour rappel, en janvier 2023, le taux d'usure pour les prêts de plus de 20 ans était à 3,57%. Le courtier Vousfinancer rappelle qu'un taux d'usure à 4,5% est un niveau inédit depuis 2015, "à un moment où les taux de crédit étaient pourtant à 2,50%, soit 0,80 point de moins qu'actuellement".
Les banques augmentent aussi leurs taux
Dans ce contexte de remontée rapide des taux d’usure, les banques augmentent également leurs taux de crédits, mois après mois. Actuellement, et avant réception des barèmes du mois de mai, les taux moyens sont de 3,10% sur 15 ans, 3,30% sur 20 ans et 3,55% sur 25 ans, avec des taux fréquemment proposés entre 3,5 et 3,8% sur toutes les durées.
Sandrine Allonier, porte-parole de Vousfinancer, avance: "Nous maintenons notre scénario de taux à 4% sur 25 ans à l’été, voire même sur 20 ans, un niveau inédit depuis 2012… Avec un vrai impact sur la capacité d’emprunt des potentiels acquéreurs, qui sera alors en baisse de 30% par rapport à 2021".
"Mois après mois, la révision des taux d’usure s’accélère. Sans la décision de les réviser mensuellement, les taux d’usure serait actuellement un demi-point inférieur", analyse Julie Bachet, directrice générale de Vousfinancer.
"Cette révision mensuelle des taux d’usure a permis une vraie amélioration avec des taux plafonds qui, mois après mois, deviennent moins bloquants et devraient permettre théoriquement de financer davantage d’emprunteurs."
Pour autant, Julie Bachet "constate qu’il y a d’autres freins bloquants et que d’autres leviers doivent être mis en place pour que la situation se normalise et que l’ensemble de nos partenaires bancaires ré ouvrent les vannes du crédit". La production de crédit est passé de 26,8 milliards en mai 2022 à 13,7 milliards en mars 2023.
Relancer l'offre et la demande
Plusieurs discussions sont en cours pour relancer tant l’offre que la demande, comme réaffirmé mercredi par Elisabeth Borne lors de la présentation de sa feuille de route pour la période de "100 jours d'apaisement". L’une des pistes serait l’assouplissement des recommandations du Haut conseil de stabilité financière. "Avec la remontée des taux, pour un même montant emprunté, la mensualité augmente et donc l’endettement, à moins d’allonger la durée du crédit…", note Sandrine Allonier.
"Déplafonner l’endettement comme la durée maximum des crédits serait donc une solution pour compenser la hausse des taux de crédit, mais la Banque de France s’y oppose. D’ailleurs banques n’utilisent même pas totalement leur marge de flexibilité", souligne la porte-parole de Vousfinancer.
Sandrine Allonier précise que "seuls 14,6% des prêts sont actuellement accordés hors critères, majoritairement avec un endettement supérieur à 35%, contre 20% autorisés. La question est plutôt de savoir comment inciter les banques à alléger leurs propres critères d’octroi".
Donner de la visibilité sur le prêt à taux zéro
Elisabeth Borne a aussi annoncé prévoir de "donner de la visibilité sur l'évolution du prêt à taux zéro". Dans ce contexte de forte remontée des taux, le prêt à taux zéro est un vrai levier pour resolvabiliser les emprunteurs. "Les taux de crédit sont de retour à leur niveau de 2011, à un moment ou le prêt à taux zéro était accordé sans conditions de ressources ni de travaux dans le neuf comme dans l’ancien, avec un vrai effet ‘booster’ sur la demande", estime Sandrine Allonier.
"Actuellement il est beaucoup plus restrictif, bien que très avantageux notamment grâce au différé de remboursement de 5 à 15 ans. Faire en sorte que davantage d’acquéreurs puissent en bénéficier serait un vrai levier pour resolvabiliser la demande", conclut-elle.