BFMTV
Police-Justice

Procès du 13-Novembre: l'interrogatoire de Salah Abdeslam débute ce mercredi

Croquis d'audience du 2 novembre 2021 montrant Salah Abdeslam au procès des attentats du 13-Novembre devant la cour d'assises spéciale à Paris

Croquis d'audience du 2 novembre 2021 montrant Salah Abdeslam au procès des attentats du 13-Novembre devant la cour d'assises spéciale à Paris - Benoit PEYRUCQ © 2019 AFP

Souvent mutique depuis le début des audiences, le dernier survivant des commandos responsables des attentats du 13-Novembre sera notamment interrogé sur les mois qui ont précédé les faits.

Le moment est extrêmement attendu. Resté quasi mutique pendant les cinq ans d'enquête, le principal accusé au procès des attentats du 13-Novembre, Salah Abdeslam, est interrogé mercredi sur le fond du dossier, pour la première fois depuis l'ouverture du procès début septembre.

Pour ce premier interrogatoire, prévu sur deux jours, le seul membre encore en vie des commandos qui ont fait 130 morts à Paris et Saint-Denis ne sera questionné que sur la période antérieure à septembre 2015.

Voyage en Syrie et point de bascule

Les principales énigmes en suspens le concernant - quelle était sa mission exacte, a-t-il renoncé à actionner sa ceinture d'explosifs - devront donc attendre les prochains interrogatoires ; plusieurs autres sont prévus.

"Est-ce qu’il devait se faire exploser? Est-ce qu’il devait attaquer un endroit? Est-ce qu’il devait réellement être là ce soir-là où est-ce qu’il a été choisi parce que d’autres n’ont pas pu aller jusqu’à Paris? Salah Abdeslam, qui dès le départ s’est présenté comme un soldat, avait-il un rôle si important dans cet attentat?", s'interroge, auprès de BFMTV, Olivier Laplaud, rescapé du Bataclan.

La cour d'assises spéciale de Paris va pour l'heure s'intéresser au basculement dans la radicalité du Français de 32 ans, lui qui avait la réputation d'un "fêtard", adepte des casinos et des boîtes de nuit.

Salah Abdeslam devrait aussi être interrogé sur le séjour en Syrie de son frère Brahim - futur tueur des terrasses parisiennes - début 2015, et sur son ami Abdelhamid Abaaoud, qui deviendra le coordinateur des attentats parisiens. Un "chouette gars" avec qui il avait perdu contact, avait-il assuré aux policiers belges en février 2015.

La cour tentera enfin de faire la lumière sur un mystérieux voyage qu'il a lui-même fait en Grèce l'été suivant, avec l'un de ses coaccusés. A ces premières séries de questions, Salah Abdeslam apportera-t-il des éléments de réponse? Depuis mi-février et le début des interrogatoires des 14 accusés présents devant la cour, deux d'entre eux ont déjà exercé leur droit au silence.

Le Suédois Osama Krayem d'abord, pour qui "ce procès est une illusion", et qui a refusé pendant de longues semaines de comparaître avant de reprendre place dans le box mardi, puis le Belgo-marocain Mohamed Bakkali.

"Ma parole est toujours suspecte, elle n'a pas de valeur", a-t-il expliqué, résigné, à la cour.

"Soldat"

Salah Abdeslam avait lui gardé le silence pendant l'enquête, de manière quasi constante. Il avait parlé une fois pour dédouaner un coaccusé, une autre pour se lancer dans une tirade religieuse.

Mais depuis le début du procès, il a déjà largement fait connaître sa position: le premier jour, en se présentant comme un "soldat" de l'Etat islamique, puis plus tard, en déclarant que "le 13-Novembre était inévitable", à cause des interventions françaises en Syrie. Avant d'appeler au "dialogue" pour éviter d'autres attaques, sous le regard atterré des parties civiles.

Début novembre, pendant son interrogatoire dit "de personnalité", il avait accepté de répondre à la plupart de questions, et décrit sa vie "simple" d'avant - sans pour autant s'épancher.

Une expertise psychiatrique réalisée peu après - et sur laquelle la cour reviendra ultérieurement - a estimé qu'il convenait "d'éliminer formellement toute maladie mentale" chez Salah Abdeslam.

S'il "n'a exprimé aucun regret" et récite "comme un perroquet" les mêmes arguments que tous les "sujets radicalisés", sa "personnalité antérieure ne semble pas avoir été totalement enfouie", ont jugé les experts.

"Le reste, c'est de la curiosité"

Parfois virulent au début, Salah Abdeslam a ensuite "joué le jeu" du procès, s'accordent à dire les parties civiles. Avec pour exception une absence du box pendant plusieurs semaines - avec certains de ses coaccusés - pour protester contre l'absence physique à la barre des enquêteurs belges.

"Il a participé à la récupération des terroristes, il a participé aux commandos en faisant ce qu’on demandait de faire, il est allé acheter un certain nombre de produits, et il était là le soir du 13 à Paris, il est même venu deux jours avant. Le reste, c’est de la curiosité", assure à notre antenne Me Gérard Chemla, avocat de 140 parties civiles.

A l'audience, autant son "pote" Mohamed Abrini ("l'homme au chapeau" des attentats de Bruxelles) est expressif dans le box, autant Salah Abdeslam ne laisse rien transparaître quand on parle de lui.

Tout juste avait-il baissé la tête quand la femme de l'un de ses coaccusés avait fondu en larmes pendant son audition. "Cette personne-là (Salah Abdeslam), elle m'a aussi volé une partie de ma vie", avait craqué la femme de Mohammed Amri, l'ami qui a pris sa voiture la nuit des attentats pour ramener le "dernier homme" du commando à Bruxelles.

Les auditions de trois proches de Salah Abdeslam sont prévues ce mercredi - sa mère, sa soeur et son ex-fiancée. Mais leur venue, à la barre ou en visioconférence, reste incertaine.

https://twitter.com/Hugo_Septier Hugo Septier avec AFP Journaliste BFMTV