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Terrorisme

Procès du 13-Novembre: pourquoi l'audition de François Hollande divise

François Hollande, accompagné de Bernard Cazeneuve et de Manuel Valls, devant le Bataclan après les attaques du 13-Novembre.

François Hollande, accompagné de Bernard Cazeneuve et de Manuel Valls, devant le Bataclan après les attaques du 13-Novembre. - Miguel Medina

L'ancien président de la République a été cité comme témoin par l'association de victimes Life for Paris. Sa venue lors du procès des attentats du 13-Novembre est contestée par certains.

Depuis le début du procès des attentats du 13-Novembre le 8 septembre dernier, son nom revient régulièrement dans les débats. Dès le deuxième jour, la venue annoncée de François Hollande comme témoin avait suscité une passe d'armes entre avocats. Cinq jours plus tard, Salah Abdeslam le nommait pour le déclarer responsable des attaques en envoyant la France frapper la Syrie.

L'ancien président de la République vient témoigner ce mercredi devant la cour d'assises spéciale, une audition qui ne suscite pas l'unanimité. C'est l'association de victimes Life for paris qui l'a cité comme témoin pour apporter son éclairage sur la situation terroriste en France en 2015.

"Il ne s'agit pas de faire un procès politique mais on ne peut pas piétiner la dimension politique de ces attentats", expliquait à BFMTV.com Me Jean-Marc Delas, l'avocat de l'association, en décembre dernier. "Si un politique doit être cité, autant que ce soit le président de la République de l'époque. C'est lui qui a l'éclairage le plus large."

Un éclairage sur la menace terroriste

Que savait François Hollande de la menace terroriste? Pourquoi la France a-t-elle participé à des frappes en Syrie?

Au lendemain des attentats, il avait livré un discours devant le Parlement réuni en Congrès. Le chef de l'État avait déclaré que la France avait été visée pour "semer la peur pour nous diviser ici et faire pression pour nous empêcher là-bas au Moyen-Orient de lutter contre le terrorisme". Rappelant à cette occasion la nécessité de "détruire Daesh" qui "massacre chaque jour et opprime des populations".

"François Hollande doit venir pour expliquer quelle était la situation de la France à ce moment-là", insiste Me Héléna Christidis, avocate de parties civiles.

Aujourd'hui, François Hollande se défend d'avoir sous-estimé la menace terroriste. Pourtant, dès 2009, le Bataclan apparaissait comme une cible potentielle. Cette menace était remontée dans l'enquête menée à Paris sur la mort d'une lycéenne française, le 22 février de la même année, dans un attentat au Caire, attribué par les autorités égyptiennes à un groupe palestinien jihadiste lié à Al-Qaïda, "L'Armée de l'islam".

Dans des notes "confidentiel défense" de la DGSI déclassifiées dans le cadre de l'enquête sur les attaques, il était précisé qu'un proche des frères Clain, les voix de la revendication des attaques de Paris et Saint-Denis, projetaient d'attaquer le Bataclan et "une cible israélite" en Seine-Saint-Denis.

Hollande directement mis en cause par les terroristes

La présence de François Hollande au procès des attentats du 13-Novembre est devenue quasiment une évidence au fil des débats. Déjà parce qu'au cours des attaques, les terroristes ont blâmé le chef de l'État. Dans un enregistrement audio de l'attaque du Bataclan, ils avaient fait part de leurs revendications: "Les soldats français et américains bombardent nos frères en Syrie et en Irak. Nous, on est des hommes, on vous bombarde sur terre. On n'a pas besoin d'avions, nous. Vous avez élu François Hollande ? Remerciez-le."

Des terroristes qui au cours des négociations avaient réclamé une lettre signée de la main de François Hollande actant le retrait de la France dans la lutte contre Daesh.

Puis le 15 septembre dernier, le président de la cour d'assises donnait la parole aux 14 accusés présents dans le box - 6 autres étant jugés en leur absence. À cette occasion, Salah Abdeslam citait là encore nommément le chef de l'État de l'époque pour justifier les attaques. "Quand François Hollande a pris la décision d’attaquer l’État islamique, il savait que sa décision comportait des risques", lançait alors le seul membre encore en vie des commandos du Stade de France et des terrasses, assurant qu'"il n'y avait rien de personnel" contre les victimes.

"François Hollande doit au moins fermer la porte aux thèses mises en avant par Salah Abdeslam, qui évoque une notion de légitime défense", estime Me Gérard Chemla, avocat de parties civiles.

Éviter un débat politique

Pour certaines parties civiles, le témoignage de François Hollande doit également répondre à d'autres questions. "Le deuxième débat porte autour de l'anticipation", estime Me Chemla. "On sait qu'Abdelhamid Abaaoud (considéré comme le cerveau de l'opération, NDLR) avait été identifié, que son nom avait été cité lors d'un Conseil de défense, qu'il avait été envisagé de le frapper avec un drone. Il sera également intéressant d'avoir l'interprétation de François Hollande sur le fait qu'on est passé ou non à côté de quelque chose."

"Il ne faut pas que cela devienne un débat politique", rétorque Me Christidis. "Il faut en rester à quelque chose d'utile pour la vérité."

Du côté des avocats de la défense, on se questionne sur la venue de l'ancien président de la République. "On ne voit pas bien quelle est l’utilité de cette audition pour la manifestation de la vérité", s'étonnait à l'ouverture du procès Me Raphaël Kempf, l'un des avocat de Yassine Atar, l'un des accusés. Un argument qui n'est pas sans rappeler ceux entendus lors du témoignage d'Anne Hidalgo, la maire de Paris, lors du procès des attentats de janvier 2015.

"Il a été pris pour cible au Stade de France, il est cité par les terroristes du Bataclan et dans le message de revendication des attaques par l'État islamique, il est mis en cause lors du procès, qu'on le veuille ou non, François Hollande est partie prenante au débat", tranche Me Chemla. "S'il y a un politique qui doit témoigner, c'est lui."
https://twitter.com/justinecj Justine Chevalier Journaliste police-justice BFMTV