Retraites: le NFP et le RN peuvent-ils s'accorder pour abroger la réforme d'Emmanuel Macron?
Les retraites, chantier prioritaire? Dans une assemblée sans majorité absolue, l'abrogation de la réforme de 2023 pourrait en tout cas faire office de premier point de convergence, inattendue, entre le bloc de gauche du Nouveau Front populaire, arrivé en tête aux deuxième tour des élections législatives dimanche, et le Rassemblement national, finalement troisième.
En se succédant sur le plateau de BFMTV, l'ancien président de la commission des Finances de l’Assemblée nationale Eric Coquerel (NFP-LFI, réélu au premier tour dans le 1ère circonscription de Seine-Saint-Denis) et la porte-parole du RN Laure Lavalette (réélue au premier tour dans la 2ème circonscription du Var) ont mis en avant leur volonté respective de revenir sur le texte du gouvernement Borne.
"Je suis sûr qu’il y a une majorité sur l’abrogation de la réforme des retraites, sinon cela veut dire qu’une partie des groupes reviennent en arrière […] Une très large majorité des Français ne veut pas de cette réforme. Je pense que nous aurons une majorité pour faire abroger cette réforme", a souligné Eric Coquerel.
Le député de gauche a projeté son groupe en principal candidat pour Matignon. "Le programme que nous portons est majoritaire, sur le pouvoir d’achat, la transition écologique, et pour plus de justice sociale. Et cela va se voir" a-t-il évoqué.
Laure Lavalette, de son côté, a rappelé que "dix millions de Français [avaient] voté pour le RN", ainsi que ses conditions pour voter une mesure sur les retraites -alors que le RN a abandonné, à l'occasion du second tour des législatives, toute possibilité de former un gouvernement.
"Sur la retraite, nous n’avons pas varié, nous voulons la retraite à 60 ans après 40 annuités quand vous avez commencé à travailler entre 17 ans et 20 ans, et ensuite que ce soit progressif avec 42 annuités, jusqu’à 62 ans."
Décret et motion de censure
La porte-parole du RN a tout de même tenu à rappeler que si son parti pouvait abroger la réforme des retraites passée il y a un an à peine par Renaissance, elle ne rejoignait pas le projet du NFP.
"Si c’est l’abrogation qui est demandée, nous la voterons, mais nous voterons aussi les motions de censure s’il devait y avoir un gouvernement avec Jean-Luc Mélenchon ou d’autres."
"Nous ne voulons pas du projet d'Éric Coquerel car il mettra la France à genoux. Mais nous continuerons à voter les motions de censure pour faire tomber le gouvernement, et nous voterons l’abrogation", a expliqué Laure Lavalette.
Pour la gauche, désormais la mieux placée pour former un gouvernement, la question est aussi de savoir comment procéder pour revenir sur la réforme. Jean-Luc Mélenchon évoquait dimanche soir dans sa prise de parole à 20h un retour par décret -c'est-à-dire sans aucun vote- si le NFP arrivait à Matignon.
Abroger une loi par décret est juridiquement impossible mais un nouveau décret peut corriger une mesure existante. Il appartient alors à un juge administratif de décider si ce nouveau décret respecte l'esprit de la loi initiale, ce qui pourrait empêcher une abrogation administrative de ce type.
Éric Coquerel n'a pas souhaité se positionner clairement sur cette question, rappelant simplement que "le Smic est déjà adopté par décret". Mais, différence significative, le Smic est revalorisé automatiquement pour suivre, notamment, le niveau de l'inflation. Ce n'est pas un choix du pouvoir exécutif. À l'inverse des multiples 49.3 adoptés par l'ancienne majorité présidentielle, notamment… sur la réforme des retraites. La gauche avait régulièrement dénoncé cette pratique du pouvoir, jugée autoritaire.