Retraites, Sainte-Soline... La majorité et la droite accusent LFI d''attiser" les violences
La mobilisation sociale contre la réforme des retraites se poursuit, avec une dixième journée de manifestation ce mardi partout en France. Face à la grogne qui ne faiblit pas, l'exécutif se cherche une nouvelle stratégie. D'abord, essayer de renouer des discussions avec les syndicats.
Ensuite, trouver un coupable à la crise sociale en cours. Sur ce point-là, il cible les insoumis, estimant qu'ils ont une part de responsabilité dans les débordements observés lors des dernières manifestations contre la réforme, mais également, par exemple, lors des événements survenus à Sainte-Soline.
"Délégitimer" les institutions
Emmanuel Macron lui-même a sonné la charge. Ce lundi lors d'une réunion à l'Élysée avec les responsables de la majorité présidentielle et des cadres du gouvernement, le chef de l'État a pointé un "réel projet politique mené par LFI qui tente de délégitimer l'ordre raisonnable, nos institutions, les outils institutionnels".
Le parti "prépare la délégitimation du Conseil constitutionnel", a lancé le chef d'État, selon des participants à la réunion à BFMTV.
Une manière pour l'exécutif de se placer en garant de l'ordre républicain et de reprendre la main après le fiasco politique du 49.3, en rejetant la faute sur LFI, désignée comme responsable du désordre.
"Les rentiers de la colère et de misère"
Depuis, la ligne du président est suivie à tous les étages et niveaux de la macronie. "Nous sommes et nous resterons le rempart à la violence illégitime et dangereuse", a déclaré Olivier Véran ce mardi.
Sur BFMTV-RMC lundi, le porte-parole du gouvernement avait accusé "Mélenchon et ses amis" d'être "les rentiers de la colère et de misère". Lors de sa prise de parole d'après Conseil des ministres ce mardi, il a pointé les propos "graves et mortifères" de l'ancien candidat à l'Elysée sur les affrontements de Sainte-Soline.
"Jean-Luc Mélenchon ne peut ignorer qu'à Sainte-Soline, des gens s’étaient donné rendez-vous pour saper l’autorité des institutions. Ça ne semble pas le déranger que des coins de France deviennent le rendez-vous de tous ceux qui veulent casser", a-t-il dit.
Dans son accusation, Olivier Véran a également visé La France insoumise de manière générale: "Je leur demande de respecter les engagements qu’ils ont pris devant les Français et de se montrer à la hauteur".
Des liens "entre l’extrême gauche et les black blocs"
Même son de cloche du côté des députés Renaissance à l'Assemblée nationale. Prisca Thénevot, élue des Hauts-de-Seine, a accusé les insoumis d'"attiser le feu en permanence".
"La France insoumise ne se présente pas comme le premier groupe d'opposition à Emmanuel Macron, mais comme le premier groupe d'opposition à nos institutions", a-t-elle affirmé ce mardi sur franceinfo.
Le député Sylvain Maillard, premier vice-président du groupe Renaissance à l'Assemblée nationale, a estimé sur Public Sénat que la Nupes attise "l'extrême tension de la société". "L'extrême gauche l'a théorisé: elle veut la violence dans la société car elle pense pouvoir accéder au pouvoir par la violence. L’extrême gauche politique, que l’on retrouve à l’Assemblée nationale, fait exactement la même chose: tout hystériser", a-t-il dénoncé.
Selon le député, "il y a forcément des liens entre l'extrême gauche et les black blocs".
"Faire passer un peuple révolté à un peuple révolutionnaire"
De son côté, le président du MoDem François Bayrou a affirmé dimanche sur Radio J que Jean-Luc Mélenchon entretient "une stratégie de déstabilisation de notre société par la multiplication des affrontements".
"Dans La France Insoumise, je suis convaincu qu'il y a des gens dont l'objectif politique est de tout conflictualiser", a abondé l'ancien Premier ministre Édouard Philippe lundi soir sur TMC.
Le fondateur du parti Horizons, allié de la majorité présidentielle, estime que les insoumis veulent "contester un système politique qui est le nôtre, une démocratie représentative et libérale, une économie de marché ou une appartenance pro-européenne".
Édouard Philippe a ainsi cité une déclaration de Jean-Luc Mélenchon, qui aurait affirmé en 2012 que "la façon d'obtenir l'hégémonie politique est de faire passer un peuple révolté à un peuple révolutionnaire".
"Institutionnalisation de la violence"
À droite aussi, les critiques encore LFI sont âpres. Invité de RTL ce mardi, le président du groupe LR au Sénat Bruno Retailleau a estimé que "certains jettent de l'huile sur cette braise", citant "l'extrême gauche et monsieur Mélenchon".
"Emmanuel Macron a commis des maladresses, mais je ne les mets pas au même niveau de l'institutionnalisation de la violence justifiée par monsieur Mélenchon", a-t-il ajouté.
Sur les bancs de l'Assemblée nationale, après les affrontements en marge des mobilisations contre la réforme des retraites, Éric Ciotti a accusé ce mardi LFI "d'instrumentaliser le conflit social à des visées extrémistes".
Les insoumis répliquent
Une pluie d'accusations et de critiques qui ne laisse pas les insoumis indifférents. Dès la prise de parole d'Emmanuel Macron, Mathilde Panot a répondu au chef de l'État en lui imputant la responsabilité des tensions actuelles. Pour elle, il "joue à un jeu extrêmement dangereux avec la démocratie".
"Pas de notre faute si vous n'êtes attaché qu'au 49.3, à la matraque et au pire de nos institutions", a ainsi répondu sur BFMTV-RMC la cheffe du groupe à l'Assemblée, dénonçant une "diversion grotesque". "On délégitime tant nos institutions qu'on vous propose d'y recourir: référendum, dissolution".
"Monsieur 49.3, ce qui délégitime les institutions, c’est de les utiliser pour imposer une loi rejetée par plus de 70% des Français et toutes les organisations syndicales de salariés", a également tweeté le député Manuel Bompard.
Mélenchon appelle à des actions "pacifistes"
Elle répond également sur "la conflictualisation". "Le conflit créait aussi la conscience, ça permet de penser les choses", défend la députée du Val-de-Marne.
En marge du cortège parisien ce mardi, Jean-Luc Mélenchon a dit espérer "que cette manifestation (...) va se dérouler dans le sang-froid", appelant aux "actions pacifiques" après les débordements observés le 23 mars.
Il a également accusé le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin d'avoir organisé un "traquenard" à Sainte-Soline ce week-end, après les heurts qui ont marqué les protestations contre la construction de méga-bassines.