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Pourquoi les Français surestiment l'inflation de 220% par rapport à l'Insee

Les Français estiment que l'inflation atteint 18% en France.

Les Français estiment que l'inflation atteint 18% en France. - AFP

Selon un sondage Odoxa pour BFM Business, les Français estiment que l'inflation est supérieure à 18% quand l'Insee la mesure à 5,6%. La grande distribution est par ailleurs jugée responsable de cette hausse des prix.

A combien estimez-vous la hausse des prix à la consommation en France sur les 12 derniers mois? Si on pose cette question à l'Insee -qui fournit chaque mois son indice des prix à la consommation (IPC)- la réponse sera de 5,6% pour le mois de mars qui vient de s'écouler. Les Français interrogés par Odoxa en ont pourtant une perception différente.

Selon un sondage réalisé pour Agipi, Challenges et BFM Business et publié ce jeudi, la réponse moyenne donnée est de 18,1%, soit un écart supérieur à 1 à 3 par rapport à l'IPC de l'Insee (220% de surestimation). Une différence de perception qui ne cesse d'augmenter. En décembre, la perception des Français était plus basse (15,8% de hausse) quand l'inflation mesurée par l'Insee était plus élevée (5,9%). En septembre, l'écart n'était même que de 3 points (8,6% de perception, 5,6% selon l'Insee).

"Les Français estiment l’inflation sur ces douze derniers mois à plus de 18%, soit le triple du niveau officiellement enregistré par l’Insee, constate Gaël Sliman, le président d’Odoxa. Cette "inflation perçue" a été ainsi multipliée par près de 7 en l’espace de deux ans passant de 2,6% en avril 2021 à 18,1% en avril 2023."

Comment expliquer un tel écart? D'abord il faut rappeler que l'Insee calcule un indice -c'est-à-dire une moyenne- à partir de 160.000 prix relevés dans 30.000 points de vente, 500.000 collectés sur internet et 80 millions de tickets de caisse. L'Institut établit ensuite son indice à partir d'un panier fixe qui pondère les différents postes de dépense (14,7% pour l'alimentaire, 15,5% pour le logement, 14,2% pour les transports etc.).

Les perceptions peuvent donc être différentes en fonction des habitudes de consommation individuelle. Si les dépenses alimentaires représentent 30% du budget de mon foyer, ma perception de l'inflation sera plus forte car c'est le poste qui augmente le plus depuis le début de l'année. L'Insee permet d'ailleurs de calculer son propre indice personnel d'inflation sur son site.

La grande distribution responsable

"Les Français ne sont pas "fous" et savent bien que l’inflation n’a pas tant affecté que cela de nombreux produits (luxe, auto, lunettes, hi-tech…), mais leurs perceptions sont totalement impactées par l’inflation qu’ils constatent sur les produits alimentaires et sur les carburants et énergies, résume Gaël Sliman. Plus de 8 Français sur 10 pensent (à juste titre) que ces catégories de produits ont connu une inflation record, bien supérieure à celle constatée en moyenne."

D'ailleurs une majorité de personnes interrogées reconnaissent que certains produits n'ont pas plus augmenté que la moyenne. C'est le cas notamment pour les produits de santé comme les lunettes ou les appareils auditifs (53% pensent qu'ils n'ont pas plus augmenté que la moyenne) ou les produits high-tech (53%).

Enseignement enfin plutôt suprenant de ce sondage: les Français jugeraient la grande distribution responsable de la hausse des prix ou du moins son principal bénéficiaire.

"Nos concitoyens sont enclins à désigner un coupable (bouc émissaire) tout naturel: le distributeur, observe Gaël Sliman. Ainsi, les Français pensent que c’est lui qui capte l’essentiel de la valeur d’un produit plutôt que l’industriel qui le transforme ou que l’agriculteur qui le produit."

Ils estiment que la grande distribution s'accapare 39,4% de la valeur d'un produit, l'industriel 36,2% et l'agriculteur qui fournit sa production à l'industriel 24,4%. Une vision pas tout à fait exacte de la réalité.

Selon l'Observatoire de la formation des prix et des marges, les marges brutes de la grande distribution sont très variables d'un rayon à l'autre et se situent sous les 30% en moyenne sur l'alimentaire. Mais il s'agit là de la différence entre le prix d'achat et le prix de vente. Une fois déduits les frais de personnel, les charges du rayon (énergie, fluides, matériel...) et les frais du magasin (immobilier, taxes, frais financiers...), la marge nette après impôt s'élève en moyenne à 1,6% et est même négative sur de nombreux rayons. A titre de comparaison, le géant Nestlé a réalisé une marge opérationnelle de plus de 17% et Coca Cola de 27,9% en 2022.

*Enquête réalisée auprès d’un échantillon de 992 Français représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus interrogés par Internet du 29 mars au 30 mars 2023.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco