Sport: comment le padel a conquis le monde de l'entreprise, des salariés aux dirigeants
Le week-end dernier, plus de 8000 personnes étaient présentes dans les tribunes du Central, à Roland-Garros, pour assister aux finales du Greenweez Paris Major. Pendant une semaine, le "Grand Chelem" de padel a investi les courts de tennis de la porte d'Auteuil à Paris en réunissant les meilleurs joueurs et joueuses du circuit mondial. L'événement et sa forte fréquentation pour cette édition 2023 témoignent de l'engouement que suscite ce nouveau sport, variante croisée du tennis et du squash.
Car le padel est depuis quelques années un véritable phénomène de mode. Les terrains sortent de terre un peu partout en France, à commencer par les complexes sportifs où ils se mêlent aux courts traditionnels de tennis ou encore au surfaces de foot à cinq avec des taux de réservation affolants. Mais l'une des meilleures illustrations de cette quasi-omniprésence du padel est probablement sa popularité grandissante dans le monde de l'entreprise où il séduit à tous les niveaux de l'organigramme, des salariés jusqu'aux dirigeants.
Le Covid a accéléré la tendance
Adepte de ce sport depuis dix ans, Michael Kuzaj se décrit volontiers comme un "dinosaure du padel" qui reste selon lui un "sport récent en France". Au cours de cette décennie, il a donc vu le padel gagner en popularité puis a finalement décidé de l'utiliser pour mener à bien des projets entrepreneuriaux. Après une marque de textile consacrée à ce sport qui s'est soldée par un échec en raison de la pandémie, il a fini par trouver la bonne formule.
"Pendant la période Covid, tous les collaborateurs des entreprises étaient isolés à travailler chez eux, je sondais autour de moi et je voyais que les gens étaient en manque de lien social dans l'entreprise", se souvient-il. C'est à partir de ce constat qu'émerge l'idée de la "Padel Business League".
Le concept est simple: un championnat au sein duquel s'affrontent plusieurs dizaines d'entreprises à travers toute la France et avec le soutien logistique de quelques clubs. "Autour de ça, on organise des déjeuners et soirées networking pour que les participants passent un bon moment sur le terrain, fédèrent les collaborateurs autour de ce sport et en profitent pour faire du business en rencontrant d'autres sociétés et dirigeants d'entreprises", explique Michael Kuzaj. Entre les relais que représentent les clubs et les entreprises qu'il démarche directement, la recette fonctionne dès la première édition sur la saison 2021-2022 avec 90 équipes inscrites, puis cinquante de plus l'année suivante et 200 espérées pour cette saison. Chaque équipe verse une somme allant de 300 à 600 euros en fonction notamment du nombre de joueurs qui oscille quant à lui entre 2 et 6.
"Certaines entreprises ne connaissent pas le padel mais en entendent parler car il devient populaire et surtout tendance, poursuit Michael Kuzaj. Elles le voient comme une manière de mettre en avant leur image de marque en se disant 'on est dans le coup et on veut être là car c'est le sport du moment'."
Du domaine bancaire au secteur du bâtiment
Parmi les entreprises participantes, on trouve une grande variété de secteurs d'activité. "On a 50% d'entreprises qui sont des antennes de grands groupes financiers comme BNP ou automobiles tels que Kia, Citroen ou BMW, indique Michael Kuzaj. Le secteur de la tech est de plus en plus représenté avec des start-ups et on retrouve aussi des grands groupes comme Dell ou encore Decathlon. L'autre moitié est composée de petites entreprises locales comme des boulangeries ou des restaurants. Enfin, certains indépendants se réunissent et forment des équipes de leur côté comme les avocats, les médecins, ou les plombiers."
Dans le sud-est, la banque CMB Monaco a inscrit 15 de ses employés répartis dans trois équipes à la Padel Business League. "Plusieurs collaborateurs sont d’anciens joueurs de tennis et de squash, des sports assez populaires dans les milieux bancaires, et ces joueurs se sont trouvés une passion pour le padel, souligne le directeur exécutif Olivier Pagès. De par sa configuration, le fait que le jeu est plus lent qu’au tennis avec plus d’échanges et une balle plus molle, le padel est plus convivial et se joue plus dans le placement que dans la technique."
Entreprise spécialisée dans le négoce de matériaux de construction et couvrant une grande partie du sud de l'Hexagone, M+ Matériaux s'est mise au padel il y a quatre ans après une réunion entre les équipes commerciales au club de tennis du Cap d'Agde qui venait alors d'ouvrir quatre terrains dédiés. "L'idée était d'organiser une réunion dans une salle prévue à cet effet puis une activité ludique pour notre trentaine de commerciaux présents, explique le directeur général Erwan Toussaint. On a tous trouvé le sport très accessible, quelque que soit nos âges, notre condition physique." Aujourd'hui, l'entreprise compte une centaine de salariés adeptes qui bénéficient de créneaux pour jouer dans toute la zone d'implantation grâce à des partenariats avec les clubs locaux.
"Facilitateur de business"
Les deux chefs d'entreprise mettent en avant le même objectif relationnel pour justifier leur ouverture croissante au padel. "Ca permet de rencontrer des clients et de passer un moment convivial avec eux tout en sortant du cliché traditionnel de l'invitation au restaurant vis-à-vis de laquelle les plus jeunes générations sont un peu blasées, relève Erwan Toussaint. Ce soir par exemple, j'ai une partie avec un promoteur que je ne connais pas et qui m'est présenté par un client et de mon côté, je viens avec un fournisseur."
"Aujourd'hui, le padel est le nouveau facilitateur de business, notamment pour les ceux qui veulent entretenir des relations privilégiés avec leurs clients, leurs fournisseurs, leurs partenaires comme l'a été et l'est toujours le golf mais l'avantage du padel, c'est que c'est très accessible", confirme Michael Kuzaj.
C'est ce côté pratique qui a incité Olivier Pagès à devenir partenaire du circuit international A1 Padel en assurant l'organisation d'une étape à Monaco pour la première fois cette année en présence de célébrités comme le prince Albert, le pilote Charles Leclerc ou encore le sélectionneur des Bleus Didier Deschamps. "Dans le cadre de l’organisation de ce tournoi, on a invité une centaine de clients et ils ont été très demandeurs pour former un petit cercle de clients de CMG adeptes du padel, se réjouit-il. Organiser un parcours de golf prend une demi-journée et on est loin du client sur le terrain alors que le cadre du padel est plus décontracté et on n'est pas uniquement perçu comme un banquier mais comme un véritable partenaire, ça détend les relations."
Le successeur du golf?
Dès lors, il n'est pas étonnant de voir se multiplier à travers la France les événements sportifs dans des cadres professionnels à l'image du tournoi des entrepreneurs de l'Union Pour les Entreprises du Gard (UPE30), antenne départementale du Medef, ou encore plus évocateur, le "Padel de la Finance" à Aix-en-Provence qui a réuni une quarantaine de professionnels de la gestion de patrimoine en juin dernier avec toujours le même modèle d'organisation: matinée business, après-midi sportif. "Aujourd'hui, le padel a pris le relais du golf car c'est un sport qu'on peut pratiquer rapidement entre midi et deux et il y a de plus en plus d'infrastructures, constate l'un des organisateurs Dimitri Lafon qui travaille chez Natixis. C'est un sport où on progresse assez vite."
"Le golf est assez élitiste et coûte assez cher et demande pas mal de temps. Le padel, c'est un peu l'inverse. Tout le monde peut y avoir accès et c'est quelque chose qui ne coûte pas cher", résume Dimitri Lafon.
Bien au-delà de cette dimension "business", les entreprises ont également en tête le bien-être de leurs salariés et notamment l'aspect "team-building" dans le sillage du déconfinement. "La première chose est de leur offrir les moyens de faire une activité ludique et sportive, insiste Erwan Toussaint. Le padel permet de fédérer les effectifs, de mieux connaître les gens." Cette notion est devenue tellement importante que certaines entreprises font directement construire des terrains de padel sur leur site.
Une demande que la société Work & Padel entend satisfaire avec un accompagnement de A à Z intégrant des offres d'animation. "Les entreprises veulent créer une cohésion de groupe et on leur propose un achat sec entre 30 et 35.000 euros mais notre best-seller est la location longue durée sur trois à cinq ans avec un prix mensuel de 700 euros", indique le fondateur et président Dorian Bargigli. Preuve de l'engouement autour de cette pratique, l'entreprise créée en 2017 reçoit quatre à cinq devis par jour et notamment des demandes venues de Miami, de Californie, du Mexique ou encore du Panama. Elle prévoit de quasiment doubler son chiffre d'affaires entre 2023 et 2024 pour le porter au-delà des cinq millions d'euros l'année prochaine.