BFM Business
Transports

TGV: la concurrence fait-elle baisser les prix?

Selon une étude de la plateforme Trainline, le consommateur profite d'importantes baisses là où la SNCF est mise en concurrence. Mais ailleurs, les hausses peuvent être fortes, ce que conteste la compagnie ferroviaire.

Même si elle est encore peu importante en volume, la concurrence dans le rail français a des effets bénéfiques et persistants sur la fréquentation et les prix. Une étude le démontre une nouvelle fois.

Rappelons que pour le moment, le monopole de la SNCF est contesté par Trenitalia sur l'axe Paris-Lyon-Milan. L'espagnol Renfe est arrivé en juillet dernier sur les lignes Marseille-Madrid et Lyon-Barcelone mais ces dernières ne sont plus opérées par la SNCF désormais.

SNCF : l'explosion du prix des billets est-elle scandaleuse ? - 29/03
SNCF : l'explosion du prix des billets est-elle scandaleuse ? - 29/03
20:54

Selon une étude* de Trainline, le prix de Paris-Lyon a baissé de 43%, si l’on compare l’année 2023 à l’année 2019.

"Le constat est similaire sur la ligne Paris-Milan avec une hausse moyenne des prix de 6% en 2023 par rapport à 2022 mais moins chers de 19% depuis l’ouverture à la concurrence de la ligne (année de référence: 2019)", peut-on lire.

Le gâteau du rail grossit, le report modal aussi

Ces chiffres doivent néanmoins être nuancés. D'une part parce que le volume d'affaires généré par Trainline est très inférieur à celui réalisé par SNCF Connect.

D'autre part, si la concurrence de Trenitalia a permis une baisse moyenne des prix sur Paris-Lyon, cette baisse est également alimentée par la SNCF elle-même avec la montée en puissance de ses offres low cost Ouigo TGV et de Ouigo Trains classiques sur l'axe.

Outre la préservation du pouvoir d'achat, la concurrence fait grossir le gâteau du train : le nombre de passagers qui décident de choisir le train plutôt qu'un autre mode de transports augmente.

Pour Paris-Lyon et Paris-Milan, les réservations ont ainsi bondi respectivement de 60% entre 2023 et 2022 (+334% depuis 2019) et de 11% entre 2023 et 2022 (+278% depuis 2019).

"L’augmentation est particulièrement nette sur les trajets de la ligne: +148% pour Modane-Chambéry, +77% pour Modane-Lyon Part Dieu et +72% pour Lyon Part-Dieu-Chambéry", peut-on lire.

La SNCF qui propose environ 4 fois plus de trains quotidiens sur l'axe Paris-Lyon en profite également puisque selon Trainline, l'opérateur national affiche une augmentation des réservations de ses billets de 44% en 2023 par rapport à 2022 et de 13% pour la ligne Paris-Milan.

"Avant l’éboulement d’août 2023, il n’y avait jamais eu autant de clients transportés avec TGV Inoui entre l’Italie et la France", nous confirme l'opérateur.

+16% sur Rennes-Paris en un an?

La compagnie ferroviaire profite, comme Trenitalia ou la Renfe d'un véritable engouement pour le train. En 2023, la SNCF a fait voyager 122 millions de passagers pour ses trains à grande vitesse, soit une progression de 4%, un record historique. Le chiffre se hisse même à 156 millions (+6%) avec les destinations européennes.

Ailleurs, sur le réseau, le constat est un peu moins favorable côté prix. Face à une augmentation sensible de ses coûts (électricité, salaires...), la SNCF a appliqué en 2023 une augmentation moyenne de 5% sur les TGV.

Mais selon Trainline, sur les lignes où la SNCF demeure sans concurrence, les augmentations sont parfois plus fortes (précisions qu'elles sont calculées sans le bénéfice d'une carte de réduction, ce qui n'est pas anodin).

Sur le trajet Paris-Lille, les billets auraient ainsi progressé de 9% en moyenne si l’on compare l’année 2023 à 2022 (+15% en comparant 2023 à 2019), de 2% sur Paris-Marseille St-Charles (+17% depuis 2019) et même de +16% (+24% en comparant 2023 à 2019) sur Rennes-Paris.

Le yield management accélère les hausses de prix

La SNCF conteste néanmoins ces chiffres d'abord parce que le volume de billets couvert par Trainline est plus faible que la réalité.

Elle assure qu'en moyenne, l'évolution des prix maximums des liaisons citées n'ont pas dépassé les 5% en 2023. Mais en fonction des dates et du remplissage des trains, le fameux "yield management", une place pour une destination prisée, réservée tardivement et pendant un week-end, sera facturée à un prix beaucoup plus élevé, "tout en respectant les prix maximum de chaque destination dont les prix en 2nde classe sont homologués par l’Etat", nous explique-t-on.

D'autant plus qu'avec une demande croissante, le remplissage des trains est plus rapide donc les paliers tarifaires sont plus vite passés.

En 2024, une nouvelle augmentation a été appliquée, mais elle n'est que de 2,6% en moyenne.

L'arrivée de nouveaux concurrents devrait permettre d'amplifier les phénomènes observés. Néanmoins, ces acteurs qui partent de zéro comme Le Train ou Kevin Speed ne sont pas attendus sur les rails avant plusieurs années.

*: Comparaison du nombre de passagers (adresses IP en Espagne, Italie, France, Allemagne, Grande Bretagne et USA) ayant réservé sur Trainline du 01/01/2023 au 31/12/2023 par rapport à la même période en 2022 et 2019. Comparaison des prix des billets (aller simple, tarif adulte sans carte de réduction) réservés sur Trainline du 01/01/2023 au 31/12/2023 par rapport à la même période en 2022 et 2019 sur les destinations.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business