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TGV: qui est Proxima, l'opérateur qui a levé 1 milliard d'euros pour concurrencer la SNCF vers l'ouest?

Ce nouvel opérateur est notamment porté par Rachel Picard, ancienne patronne de Voyages SNCF. Financé par Antin Infrastructure Partners, la compagnie va commander 12 TGV à Alstom, les mêmes que les TGV M de la SNCF, qui pourraient circuler à partir de 2027/2028.

Encore du nouveau sur le front de la concurrence dans le rail. Un nouvel acteur, Proxima (un nom provisoire), entend se lancer dans les prochaines années pour concurrencer le TGV vers Bordeaux, Rennes, Nantes et Angers depuis Paris. Objectif: un lancement commercial en 2027 au mieux.

Mais à la différence de Railcoop ou de Midnight Trains qui ont renoncé faute d'argent, ou encore de Le Train qui boucle actuellement son financement et de Kevin Speed toujours en quête de fonds, le nouvel opérateur a un argument de taille: il annonce avoir levé 1 milliard d'euros auprès d'Antin Infrastructure Partners (qui devient donc son principal actionnaire). De quoi sécuriser le financement de son lancement après une longue et discrète préparation.

Cette somme considérable, nerf de la guerre, va lui permettre de commander 12 rames de TGV à Alstom, avec lequel il est entré en négociations exclusives, soit un budget de 500 millions d'euros environ. Le reste lui permettra de lancer l'exploitation.

Dix millions de places par an

Cerise sur le gâteau, il s'agira de l'Avelia Horizon, soit à peu de choses près, le même modèle que le TGV M de la SNCF.

Cette levée massive rend le projet solide, la mobilisation de capital pour l'achat de matériel roulant étant au coeur des difficultés de ce type de projet, les banques étant très frileuses quand on parle de rail.

"Proxima renforce l’offre française de trains à grande vitesse, en mettant à disposition des voyageurs plus de dix millions de nouvelles places par an. Depuis dix ans, la croissance de la mobilité entre les grandes villes françaises est de plus en plus importante, en phase avec les nouveaux modes de vie. Le train à grande vitesse est la réponse plébiscitée par les Français et les trains sont pleins", peut-on lire dans un communiqué.

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Le projet est notamment porté par Rachel Picard, une experte du transport et du tourisme qui a dirigé jusqu'en 2020 la plateforme digitale voyages-sncf.com et Voyages SNCF (l’activité grande vitesse en France et en Europe). Autant dire qu'elle a des cartes en main. Ce qui pourrait quelque peu inquiéter la compagnie nationale.

"Ce projet devient une réalité. Notre ambition: dix millions de places en plus pour relier Rennes, Bordeaux, Nantes et Angers à Paris. C’est une réponse à l’impératif écologique, aux nouveaux modes de vies des Français et à l’attractivité phénoménale de ces villes de la façade Atlantique, avec une autre vision de l’expérience du Train à Grande Vitesse", se félicite-t-elle sur Linkedin.

"Proxima est lancée officiellement aujourd’hui et c’est le début d’une longue et intense aventure. Vivement 2027, et le premier tour de roue de nos trains."

"Nous sommes ravis d’apporter notre soutien à Proxima. La grande connaissance du marché français qu’apportent Rachel Picard et Tim Jackson, les partenariats conclus avec Alstom et Lisea et l’expertise d’Antin en matière de financement de projets d’infrastructure sont une combinaison gagnante pour faire de Proxima un succès", commente de son côté Alain Rauscher, PDG d’Antin Infrastructures.

Un projet crédible?

Pourquoi la façade ouest (qui sera d'ailleurs également occupée par Le Train en 2026 si tout va bien)?

"Le grand potentiel d’attractivité démographique, le dynamisme économique et l’attrait touristique de ces villes ont créé une demande particulièrement forte de mobilité ces dernières années sur ces villes de la façade Atlantique", explique Proxima. Et il est vrai qu'il reste pas mal de capacité à aller chercher sur Paris-Bordeaux.

Reste que les péages à payer à SNCF Réseau sur Paris-Bordeaux sont parmis les plus chers du réseau, l'équilibre sera complexe à trouver, à moins que l'opérateur obtienne un rabais sur ce tarif comme lorsque Trenitalia s'est lancé en France.

Côté offre, l'opérateur reste encore discret indiquant vouloir "réinventer l’expérience de la grande vitesse à partir des différentes typologies de clients et de l’écoute de leurs besoins. L’expérience voyageur sera inspirée par ces nouveaux comportements: fin de la frontière affaires/loisirs, besoins de connectivité et de contenu à bord, recherche d’intimité ou de lieux de partage".

Outre les rames avec Alstom, Proxima a passé un accord avec Lisea pour l’utilisation de son nouvel atelier de maintenance situé à Marcheprime près de Bordeaux.

Pour autant, il faut rester prudent côté calendrier, il faudra fabriquer, tester et certifier les rames, ce qui prendra du temps, les retards étant déjà nombreux chez Alstom. Proxima espère recevoir ses premiers trains en 2027 et les faire rouler commercialement la même année, ce qui peut paraître ambitieux.

Des retards déjà nombreux chez Alstom

"Les essais dynamiques auront lieu début 2027", indique néanmoins Rachel Picard qui estime que ces tests dureront quelques mois. On peut néanmoins imaginer un vrai en départ en 2028.

Il y aura aussi la question des conducteurs qui commencent à devenir une denrée rare, notamment avec la montée en puissance de la Renfe et de Trenitalia en France, les deux seuls deux opérateurs qui concurrencent à date la SNCF au niveau national.

Pour les experts, Proxima apparaît néanmoins crédible, bien plus crédible que d'autres projets de nouveaux opérateurs.

"C'est le modèle économique qui a le plus de chance de fonctionner avec l'achat de matériel neuf grâce au financement important par des fonds d'investissements et des banques qui permettent de voir loin sur le calendrier car comme Rachel Picard le dit: 'le temps ferroviaire est un temps très long'. Si on compare avec d'autres pays, c'est le modèle qui a le mieux fonctionné en Italie notamment avec Italo", explique à BFM Business, Eloïse Devallière, consultante senior Mobilités pour le cabinet Wavestone.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business