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TOUT COMPRENDRE - Guerre en Ukraine: comment la situation a basculé en une nuit

Le président russe Vladimir Poutine a annoncé dans la nuit de mercredi à jeudi le lancement d'une "opération militaire" en Ukraine. Son annonce a été suivie par des tirs et bombardements sur plusieurs régions du pays.

Les négociations ont échoué. Après des semaines de tensions et de tractations diplomatiques, le président russe Vladimir Poutine a annoncé dans la nuit de mercredi à jeudi le lancement d'une "opération militaire" en Ukraine pour défendre les régions séparatistes de l'est du pays.

"J'ai pris la décision d'une opération militaire", a-t-il lancé lors d'une déclaration surprise à la télévision peu avant 4h (heure française).

Des tirs ont peu après été entendus dans plusieurs régions d'Ukraine, et dans la matinée, des soldats russes ont franchi la frontière, selon les autorités ukrainiennes.

Kiev a décrété la loi martiale et a demandé à la communauté internationale de former "une coalition anti-Poutine" afin de lui venir en aide. L'ONU, l'Otan et les pays européens ont déclenché des réunions d'urgence dans la nuit, et fermement condamné l'attaque, promettant des sanctions sévères.

• Que s'est-il passé mercredi soir?

La menace d'une invasion russe en Ukraine court depuis plusieurs semaines maintenant. Cette attaque a été lancée après ce que le Kremlin qualifie d'"appel à l'aide" mercredi soir des deux Républiques indépendantistes pro-russes de l'Est de l'Ukraine: Donetsk et Lougansk. Ces régions demandaient l'aide de la Russie pour "repousser" l'armée ukrainienne. Le président russe avait déjà clairement signifié son alliance avec ces territoires, en déclarant lundi reconnaître l'indépendance de ces deux Républiques.

"La demande d'assistance adressée à Moscou par les régions séparatistes annonce une étape supplémentaire très dangereuse contre la souveraineté de l'Ukraine qui mettrait des milliers de vies en danger", avait averti dans la soirée le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell sur Twitter.

"L'UE demande instamment à la Russie de s'abstenir de toute nouvelle escalade".

Au bord de la rupture, l'UE a voté ce mercredi un nouveau volet de sanctions contre la Russie qui visent des entités mais aussi des individus qui ont joué un rôle pour "miner et menacer l'intégrité territoriale, la souveraineté et l'indépendance de l'Ukraine".

Mais dans la nuit, Kiev a alerté sur l'arrivée de troupes russes aux frontières de l'Ukraine, où la Russie a massé "presque 200.000 soldats" et "des milliers de véhicules de combat" a déclaré le président ukrainien Volodymyr Zelensky. S'exprimant exceptionnellement en russe, il en a appelé à la société civile russe pour empêcher la guerre, déclarant avoir tenté de parler, sans succès, à Vladimir Poutine.

• Qu'a annoncé Vladimir Poutine?

Peu avant 4h du matin (heure française), le président russe a annoncé dans une déclaration surprise à la télévision avoir "pris la décision d'une opération militaire spéciale" en Ukraine pour défendre les séparatistes de l'est du pays. Il a dénoncé un "génocide" orchestré par l'Ukraine dans cette région, arguant de l'appel à l'aide des séparatistes annoncé dans la nuit. Il a également pointé du doigt la politique agressive de l'Otan à l'égard de la Russie, dont l'Ukraine serait l'outil. 

Le président russe a expliqué vouloir "arriver à une démilitarisation et une dénazification de l'Ukraine", promettant de conduire "au tribunal ceux qui ont commis de nombreux crimes, responsables de l'effusion de sang de civils, notamment des citoyens russes".

"Nous n'avons pas dans nos plans une occupation des territoires ukrainiens, nous ne comptons imposer rien par la force à personne", a-t-il également déclaré, sans toutefois donner de précision quant à l'ampleur de l'opération militaire.

Vladimir Poutine a également lancé un appel aux militaires ukrainiens, les invitant à refuser le combat.

"Je vous appelle à déposer les armes", assurant qu'ils pourraient alors "quitter le champ de bataille sans entrave".

Puis, il s'est adressé à ceux "qui tenteraient d'interférer avec nous". "Ils doivent savoir que la réponse de la Russie sera immédiate et conduira à des conséquences que vous n'avez encore jamais connues". "Je suis sûr que les soldats et officiers de la Russie rempliront leur devoir avec courage", a-t-il dit encore, "la sécurité du pays est garantie".

• Quelles attaques ont été lancées?

Peu avant 5h, de puissantes explosions ont été entendues dans la ville portuaire de Marioupol qui se situe sur la côte de la mer d'Azov dans la région du Donbass à l'est de l'Ukraine. Des explosions ont également été entendues à Kramatorsk, ville de l'est qui sert de quartier-général à l'armée ukrainienne, mais aussi à Kharkiv, deuxième ville du pays ou encore à Odessa, sur la mer Noire.

Une série d'explosions a aussi été entendue dans la capitale de Kiev, où les sirènes d'alarme anti-bombardements ont retenti.

Le carte des différentes interventions russes en Ukraine le jeudi 24 février 2022
Le carte des différentes interventions russes en Ukraine le jeudi 24 février 2022 © BFMTV

Le ministre ukrainien des affaires étrangères, Dmytro Kouleba a annoncé le début d'une "invasion de grande ampleur" par la Russie.

"De paisibles villes ukrainiennes sont en train d'être attaquées. C'est une guerre d'agression. L'Ukraine se défendra et gagnera. Le monde peut et doit arrêter Poutine. Il est temps d'agir maintenant", a-t-il tweeté.

L'armée russe a assuré de son côté viser avec des "armes de haute précision" les sites militaires en Ukraine. "Les infrastructures militaires, les installations de défense aérienne, les aérodromes militaires et l'aviation des forces armées ukrainiennes sont mis hors d'état de nuire avec des armes de haute précision", a indiqué le ministère russe de la Défense, cité par TASS.

Plus tard dans la matinée, "des véhicules militaires russes, y compris des blindés, ont violé la frontière dans les régions de Tcherniguiv (nord, frontière bélarusse), Soumy (nord-est, frontière russe), Lougansk et Kharkiv (est, frontière russe)", a assuré un communiqué des gardes-frontières ukrainien aux alentours de 8h. Il ajoute que "la plupart des unités de gardes-frontières ont été visées par des tirs dans ces mêmes régions" et qu'un garde-frontière a été tué.

L'opération russe vise à "détruire l'État ukrainien, s'emparer de son territoire par la force et établir une occupation", a alerté dans un communiqué le ministère ukrainien des Affaires étrangères, appelant la communauté internationale à "agir immédiatement".

• Comment a réagi l'Ukraine?

Lors d'un conseil exceptionnel dans la nuit, l'Ukraine a demandé à la Russie et à l'ONU de "mettre un terme à la guerre". "Appelez Poutine, appelez (le ministre des Affaires étrangères) Lavrov pour stopper cette agression", a exhorté l'ambassadeur ukrainien auprès de l'Organisation des Nations unies, Sergiy Kyslytsya, en s'adressant à son homologue russe, Vassily Nebenzia.

"Ce n'est pas une guerre, c'est une opération militaire", a rétorqué ce dernier, lors d'un vif échange entre les deux hommes.

Après les premières explosions, le ministère ukrainien de l'Infrastructure a annoncé la fermeture de l'espace aérien invoquant "un haut risque pour la sécurité". Aux alentours de 7h, l'armée ukrainienne a de son côté affirmé avoir abattu dans l'est du pays cinq avions et un hélicoptère de l'armée russe.

Dans le pays, le président ukrainien s'efforce de conserver un semblant de calme. Il a appelé jeudi ses concitoyens à "ne pas paniquer" face à l'offensive russe qui frappe leur pays en leur promettant la victoire, annonçant par ailleurs l'introduction de la loi martiale.

"Pas de panique, nous sommes prêts pour tout, nous allons vaincre", a dit Volodymyr Zelensky dans un message vidéo sur Facebook.

Plus tard dans la matinée, le président ukrainien a assuré dans un tweet qu"il donnerait des armes à quiconque voudrait défendre le pays". À l'issue d'entretiens, notamment avec les dirigeants américain, britannique et allemand, Volodymyr Zelensky a appelé le monde à "une coalition anti-Poutine".

"Le monde doit contraindre la Russie à la paix", a-t-il ajouté.

• Quelles réactions de la communauté internationale?

Les condamnations de l'acte russe pleuvent depuis l'annonce de l'acte militaire. "La France condamne fermement la décision de la Russie de faire la guerre à l’Ukraine", a réagi jeudi matin le président de la République Emmanuel Macron, en appelant Moscou à "mettre immédiatement fin à ses opérations militaires".

Le président américain Joe Biden a aussitôt dénoncé une "attaque injustifiée" qui provoquera "des souffrances et pertes de vies humaines". Il a échangé avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky, lui promettant le soutien des Etats-Unis face à l'attaque de la Russie.

Le chef de l'Otan Jens Stoltenberg a lui condamné une "attaque téméraire et non provoquée" de l'Ukraine par la Russie. Le chancelier allemand Olaf Scholz a dénoncé de son côté "une violation éclatante" du droit international, tandis que la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen s'est engagée à demander à Moscou de "rendre des comptes". Pour le Premier ministre britannique Boris Johnson, le président russe a choisi la voie "de l'effusion de sang".

Les ambassadeurs des 30 pays membres de l'Otan vont se réunir en urgence jeudi matin à Bruxelles, a annoncé un porte-parole de l'Alliance, et les dirigeants des 27 pays de l'Union européenne doivent se réunir en sommet jeudi soir.

Salomé Vincendon
Salomé Vincendon avec AFP Journaliste BFMTV