BFM Business
Aéronautique

Turbulences en vol: comment les pilotes font pour les éviter

L'anticipation est le meilleur moyen d'éviter ces phénomènes, mais quand il est trop tard, place au pilotage manuel. Des pilotes nous racontent.

L'incident à bord d'un avion de Singapore Airlines qui a provoqué la mort d'un passager et des dizaines de blessés montre à quel point les turbulences peuvent être dangereuses, notamment quand les passagers ne sont pas attachés à leur siège.

Connaître des turbulences en vol est chose courante, elles font partie de tout trajet. Elles sont de trois types: légères, modérées et sévères.

Tous les soirs dans Le titre à la une, découvrez ce qui se cache derrière les gros titres. Céline Kallmann vous raconte une histoire, un récit de vie, avec aussi le témoignage intime de celles et ceux qui font l'actualité.
1 mort, 30 blessés: le cauchemar des passagers du vol Londres-Singapour
13:59

Face à ce type de phénomènes, les pilotes de ligne sont évidemment préparés, notamment grâce au simulateur de vol.

Mais l'idée est de tout faire pour les éviter en anticipant les phénomènes météo à l'origine de ces turbulences: formations nuageuses, les nuages à développement vertical, orages et courants d'air dans les chaînes de montagnes ou les courants-jets.

"Son boulot commence à la préparation des vols", explique à BFM Business, Gérard Feldzer, ancien commandant de bord et président de l'association Aviation sans frontières.

Brief météo et radar

Un dossier météo est donné aux pilotes avant le vol, avec les prévisions aujourd'hui de plus en plus fines, grâce à une base de données mondiale.

"C'est pour ça qu'il est rare d'être confronté à une situation" comme celle du vol Singapore Airlines, ajoute le spécialiste.

"Les prévisions permettent de savoir quelles sont les zones potentiellement turbulentes, que ce soit lié à des nuages, des turbulences en air clair, des fronts thermiques... Donc si c'est une zone est vraiment trop intense, on sait déjà qu'on peut changer d'altitude ou contourner une zone", nous confirme Xavier Tytelman, ancien pilote et consultant aéronautique pour Air&Cosmos.

Avec ces informations, un plan de vol est établi pour éviter les zones très perturbées. Le commandant de bord peut également décider de faire des détours pour les éviter. Dans le même temps, il fait un briefing à l'équipage en cabine en précisant si des perturbations sont prévues à tel moment ou à tel endroit.

Néanmoins, les prévisions ne sont pas une science exacte. Le pilote doit également s'appuyer sur son radar météo. Les zones rouges sur l'écran indiquent les très fortes perturbations, avec des mouvements verticaux dangereux.

"Il y a les informations qui sont partagées entre les pilotes" par la radio, complète Xavier Tytelman.

Il y aussi le cas des turbulences "en air clair" qui sont particulièrement problématiques, car souvent rencontrées de façon inattendue et sans indice visuel avertissant les pilotes du danger.

"On coupe le pilotage automatique"

"Si on est entré dans une forte perturbation (pas repérée en amont, par inadvertance…), le pilote automatique se coupe et on repasse en pilotage manuel. Le pilote doit affiner le pilotage, ne pas faire de mouvements brusques, trouver la zone la plus favorable".

"Le pilote réduit la vitesse de l'avion, dévie de route et/ou change d'altitude (une manœuvre qui peut être brutale, comme dans le cas du vol Singapore Airlines) pour trouver une zone plus clémente", explique Gérard Feldzer.

"Cela permet de sortir de la couche turbulente", confirme Xavier Tytelman. Ces manœuvres doivent s'accompagner d'une communication auprès des passagers, "il faut être le plus rassurant possible", ajoute Gérard Feldzer.

À l'avenir, les pilotes disposeront de nouveaux outils technologiques pour mieux anticiper ces phénomènes.

Airbus et Boeing testent ainsi un laser placé à l'avant de l'avion qui peut détecter les particules qui produisent des turbulences à une distance de 17 kilomètres. Airbus travaille aussi sur une aile plus souple qui permet de mieux "encaisser" les mouvements de l'aéronef pris dans une zone de turbulences.

Olivier Chicheportiche et Jérémy Bruno