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Un "accaparement de l'eau": des milliers de manifestants contre les mégabassines dans le Puy-de-Dôme

Des milliers de personnes manifestent ce samedi 11 mai dans le Puy-de-Dôme contre la construction de deux bassines de retenue d'eau. Elles dénoncent un projet qui bouscule le "cycle de l'eau".

Des milliers de manifestants sont mobilisés dans le cadre d'une "randonnée pédagogique, festive et artistique" pour dénoncer la construction de deux réserves d'eau, dites "mégabassines" ou "gigabassines", ce samedi 11 mai dans le Puy-de-Dôme. Ils sont plus de 5.000 selon les organisateurs, 2.000 selon la gendarmerie.

L'une des bassines en construction doit fait 14 hectares, l'autre 18 hectares. Toutes deux sont destinées à irriguer 800 hectares dans la plaine de la Limagne, où est implanté Limagrain, le 4e semencier mondial.

Le cortège s'est élancé dans la matinée depuis Vertaizon, dans le Puy-de-Dôme, accompagné de mesures de sécurité renforcée en raison de son caractère "sensible" après les violents affrontements survenus lors de la mobilisation de Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres, l'an dernier. Un petit groupe de cyclistes est en plus parti de la ville voisine de Clermont-Ferrand pour rejoindre les marcheurs.

"Il faut faire bassine arrière"

De nombreux manifestants étaient habillés de bleu pour "symboliser l'eau" à la demande des organisateurs, dont Extinction Rebellion et les Soulèvements de la Terre. Deux tracteurs de la Confédération paysanne les accompagnaient.

Des pancartes "Il faut faire bassine arrière" et "Mort aux bâches" ont été déployées.

Il est prévu que le tracé d'une des deux retenues prévues soit matérialisé sur les lieux. Certains ont aussi prévu de planter une haie, signe d'opposition aux cultures extensives.

"Restera-t-il de l'eau les hivers secs?"

"Pour la Confédération paysanne, c'est bien l'ensemble des bassines qui pose problème puisqu'on parle d'accaparement de l'eau et qu'on considère que ce qu'il faut mettre en place, c'est une vraie politique qui permette un partage de l'eau", explique à BFMTV Nicolas Fortin, éleveur de bovins et de porcs bio et secrétaire national du syndicat agricole.

"Quand on aura investi des milliers d'euros dans des ouvrages, va-t-on les laisser vides certains hivers (secs)? Nous on pense que non", poursuit-il.

Or, "si on multiplie les projets de bassines un peu partout dans la Loire, restera-t-il de l'eau les hivers secs?", s'inquiète-t-il encore.

"Restaurer le grand cycle de l'eau"

Selon la coopérative agricole, les bassines prévues seraient remplies par prélèvements dans l'Allier entre le 1er novembre et le 31 mars, en respectant le débit autorisé de 45,7 m3/seconde. Elles n'ont pas encore fait l'objet de demande formelle d'autorisation.

"Si on a (la rivière de) l'Allier trop haute, c'est parce qu'on a négligé l'aménagement du territoire, qu'on a fait des autoroutes de l'eau pour toujours évacuer l'eau plus vite vers la mer et on s'étonne après qu'il n'y a plus assez d'eau", clame de son côté à BFMTV Benoît Biteau, eurodéputé écologiste, candidat aux élections européennes de juin.

"Cette eau serait mieux dans des nappes souterraines" que dans des bassines, estime-t-il.

Il faut "mobiliser l'argent public non pas sur des fausses bonnes idées" et "restaurer le grand cycle de l'eau", appelle l'élu.

Les prélèvements d'eau destinés à l'irrigation ont plus que doublé entre 2010 et 2020 en France, pour atteindre 3,42 milliards de m3 en 2020, selon un rapport de la chambre régionale de la Cour des comptes de Nouvelle-Aquitaine publié en juillet 2023.

Juliette Desmonceaux avec AFP