"Un ras-le-bol généralisé": pourquoi les petits patrons se tournent de plus en plus vers le RN
À six jours du premier tour des élections législatives, la plupart des sondages donnent le Rassemblement national en tête des intentions de vote. Le parti d'extrême droite, qui affiche Jordan Bardella comme possible futur Premier ministre, attire de plus en plus de sympathisants dans les milieux économiques, y compris chez les petits patrons, où la colère monte depuis quelques années.
Parmi les principaux motifs d'insatisfaction des petits patrons, il y a le sentiment de ne pas être assez écouté. Certes, le gouvernement mène une politique de l'offre pro-business, mais artisans, commerçants et indépendants ont le sentiment d'être exclus de cette dynamique qui profiterait avant tout aux grands groupes et aux start-up. L'U2P, qui représente ces petites entreprises, alerte depuis longtemps sur le problème de la représentativité.
"L’U2P dénonce ce déni de démocratie depuis 2019. Il est temps que cela change et c’est possible!", écrit l'organisation dans un document retraçant ses 21 priorités pour les législatives.
L'organisation dénonce les règles actuelles de la représentativité patronale qui "favorisent injustement les grandes entreprises en se basant principalement sur le nombre de salariés plutôt que sur le nombre d’entreprises adhérentes".
Des commerçants en première ligne et "excédés"
Autre raison de leur colère, beaucoup de petits commerçants se sont retrouvés en première ligne lors des manifestations des gilets jaunes, puis contre les réformes des retraites ou encore pendant les émeutes dans les banlieues… Résultat, des jours de fermeture, des revenus en baisse, voire de la casse sur les devantures ou en magasin. Certains sont désormais sensibles au discours de Jordan Bardella, qui promet de remettre de l'ordre.
"Les chefs d'entreprise n'échappent pas à la perception d'une société anxiogène qui leur fait peur", a alerté Michel Picon, le président de l'U2P, jeudi sur RTL.
"Ils vivent le même quotidien que les Français et donc ils n'échappent pas à la tentation de voir autre chose par rapport à ce qu'ils ont connu alors qu'ils considèrent que les gouvernements successifs ont failli sur les questions d'ordre et d'autorité. Les gens sont excédés."
Et Michel Picon d'illustrer: "Des artisans se font voler tous les jours leur camionnette avec leur matériel et ne peuvent plus travailler. J'ai rencontré une infirmière qui n'ose plus aller soigner ses patients parce qu'elle a peur de rentrer dans une cage d'escalier. Parfois, c'est aussi de la peur par procuration parce que c'est ce qu'on voit à la télévision".
Empilement des normes et paperasse
À cela s'ajoute le sentiment de crouler de plus en plus sous la paperasse administrative, malgré les promesses de simplification.
"L'empilement des normes et des règlementations est 20 fois plus violent pour les petites entreprises que pour les grosses", insiste un responsable patronal.
"Cette ambiance où tout fout le camp, où les gens ont l’impression qu’ils sont tout seuls à travailler beaucoup, 15 heures par jour, à porter la France à bout de bras pendant que trop ne travaillent pas et profitent… Tout ça est une impression sur un certain nombre de points mais une réalité sur d’autres", souligne Michel Picon.
Le problème du logement, enfin, alimente la colère. Tous reprochent au gouvernement de ne rien faire, alors que c'est un sujet clé pour réussir à attirer des salariés, face aux pénuries de main d'oeuvre. Un responsable patronal résume: "il y a un ras-le-bol généralisé chez les petits patrons, qui ont le sentiment de ne plus pouvoir travailler sereinement".