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"Une loi qui va tuer", "propos immondes"... Vifs échanges lors des débats sur la fin de vie à l'Assemblée

Laure Lavalette, députée RN, à l'Assemblée nationale le 20 mars 2023

Laure Lavalette, députée RN, à l'Assemblée nationale le 20 mars 2023 - AFP

Les échanges se sont tendus ce lundi 3 juin, au début de la deuxième semaine consacré à l'examen du projet de loi sur la fin de vie. Point de départ des tensions: des propos de la députée RN Laure Lavalette, qui a évoqué une "loi qui va tuer".

Si chacun s'accordait sur la nécessité d'une bonne tenue des débats concernant le projet de loi sur la fin de vie, les esprits se sont échauffés à l'Assemblée nationale ce lundi 3 juin. En cause: des déclarations, repérées par Le Figaro, de la députée Rassemblement national, Laure Lavalette, vivement opposées à ce texte qui consiste notamment à créer une aide à mourir.

Comme des élus Les Républicains (LR), la parlementaire d'extrême droite cible "le choix sémantique" du gouvernement, lui reprochant de "ne pas parler d'euthanasie, de suicide assisté". Pour appuyer son propos, elle s'essaye à une comparaison:

"Quand les pompiers, le Samu, arrivent par exemple sur une scène de défenestration. [...] Mais que font-ils, est-ce qu'ils regardent la personne, en disant: 'on respecte sa liberté, il voulait se suicider, on ne va pas le réanimer?' La réponse est non."

"Entourloupe"

Vives réactions dans l'hémicycle. "S'il vous plaît. On conserve le caractère digne de nos débats", enjoint la présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet. Laure Lavalette poursuit son propos: "Votre loi touche exactement à la substantifique moelle du médecin, qui n'est pas de tuer mais évidemment de sauver. En ne disant pas les mots, vous essayez de nous faire une entourloupe, mais assumez."

Puis l'élue du Var invoque Robert Badinter, décédé cette année, qui "a dit que grâce à la fin de la peine de mort, la justice ici ne tuerait plus." "Mais vous allez mettre en place une loi qui va tuer!"

Pas forcément le meilleur exemple, la veuve de l'ancien ministre de la Justice, Élisabeth Badinter, ayant récemment affirmé que ce dernier "aurait soutenu ce texte" sur la fin de vie. "Prétendre le contraire serait une trahison de sa pensée et de sa mémoire", a-t-elle souligné dans La Tribune Dimanche en avril.

"C'est une honte"

Dans l'hémicycle, la contre-attaque ne se fait pas attendre sur les bancs de la gauche et de la majorité. Parole à la députée Renaissance Cécile Rilhac. En commission, "dans mes amendements, j'ai utilisé les mots 'suicide assisté', 'euthanasie'", fait-elle valoir.

"Lorsque l'un de ces amendements a été adopté, la première chose que vous avez fait, ça a été de nous sauter à la gorge en nous disant: voyez, vous avez marqué suicide assisté, vous voulez tuer tout le monde. Ce sont exactement ces propos-là que nous ne voulons pas entendre sur ces bancs."

La député LFI Danielle Simonnet prend le relais. L'élue de Paris dénonce des "propos immondes". "C'est une honte de faire croire que nous sommes ici pour mettre en place un service public du suicide que nous banaliserions ainsi", dénonce-t-elle.

Et de défendre l'aide à mourir: "Quand on est au bout du chemin, quand la médecine ne peut plus. Quand vous estimez que vous n’êtes pas en train de vivre mais de survivre. À ce moment-là garantir ce droit, cette ultime liberté, c’est un devoir humaniste de législateur."

"Il va falloir utiliser le bon vocabulaire"

Le député RN Sébastien Chenu vole ensuite au secour de sa collègue Laure Lavalette. Il se présente comme le tenant d'une "position un peu singulière au sein de [s]on groupe", lui qui "compte sur ce débat pour [s] faire une conviction". Puis l'élu d'extrême droite, s'en prend à ses adversaires, jugeant "hypocrite", d'"ensevelir notre débat sur la sémantique".

"Emmanuel Macron disait que ce débat allait permettre de regarder la mort en face, mais pour cela il va falloir évidemment utiliser le bon vocabulaire", lance le vice-président du RN.

"Évitons de tout confondre"

Un peu plus tard, le rapporteur du texte, Olivier Falorni, engagé depuis des années sur la fin de vie, déplore des "comparaisons malencontreuses". "Assimiler suicide assisté et suicide, c’est exactement ce que nous ne voulons pas faire", oppose-t-il à Laure Lavalette.

Puis, le ton plus engagé, le député du MoDem martèle: "Évitons de tout confondre. [...] Ce que nous appelons l’aide à mourir lorsque la personne s’autoadministre le produit, c’est une personne qui veut mourir, parce qu’elle va mourir. [...] Parce qu'elle a une maladie grave et incurable. Parce que son pronostic vital est engagé. Parce qu'elle souffre horriblement".

En conclusion, Olivier Falorni demande d'arrêter ces "parallèles", avant d'insister: "Si nous n'utilisons pas les mots d'euthanasie et de suicide assisté, c'est pour éviter des comparaisons particulièrement malsaines."

Baptiste Farge