Viol: ce que changerait l'inscription du consentement dans le droit promise par Emmanuel Macron
"Je vais l'inscrire dans le droit français". C'est une promesse faite la semaine dernière, presque passée inaperçue le jour de l'inscription de l'IVG dans la Constitution française, qui refait surface aujourd'hui.
Peu après la cérémonie de scellement de la liberté des femmes à recourir à l'interruption volontaire de grossesse dans la Constitution, Emmanuel Macron a été interpellé par l'association Choisir la cause des femmes sur la notion de consentement dans le droit français et notamment de son absence en matière de viol.
"Qu'on l'intègre dans le droit français, que le consentement puisse être inscrit, ça je l'entends tout à fait", a déclaré le président de la République qui annonce qu'il "va l'inscrire dans le droit français".
"S'il le fait, c'est une bonne nouvelle", a estimé Violaine Lucas, présidente de l'association. Même satisfaction au sein de la FNCIDFF (Fédération nationale des centres d'informations sur les droits des femmes, NDLR), qui a salué "une excellente nouvelle".
"L'adoption d'une législation fondée sur le consentement n'empêchera pas que des viols soient commis, mais cela constituerait un pas important vers l'évolution des comportements et l'administration de la justice", a réagi de son côté Lola Schulmann, chargée de plaidoyer chez Amnesty International France, sur X.
Élargir la définition du viol pour une meilleure répression
L'article 222-23 du Code pénal prévoit que "tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, ou tout acte bucco-génital commis sur la personne d'autrui ou sur la personne de l'auteur par violence, contraint, menace ou surprise est un viol".
La notion de consentement, qui a refait surface dans les années 2010 avec l'onde de choc #metoo, n'y est pas mentionnée explicitement, et des voix s'élèvent depuis plusieurs mois pour revoir cette définition.
Si les critères que sont la violence, la contrainte, la menace et la surprise ne sont pas cumulatifs pour qualifier un acte sexuel de viol, la définition juridique est toutefois jugée trop "restrictive" par Clémence Pajot, directrice générale de la FNCIDFF.
"Il s’agit d’élargir la définition et de l’améliorer pour mieux lutter contre l’impunité du viol", estime-t-elle auprès de BFMTV.com.
Selon une enquête de victimation menée par l'Insee et relayée par nos confrères du Monde, seulement 0,6 % des viols ou tentatives de viol ont donné lieu à une condamnation en 2020. Un taux "extrêmement faible" pour Clémence Pajot. L'intégration du mot consentement a donc vocation à devenir un "enjeu performatif" quant au nombre de décisions rendue par la justice pénale en matière de viol, mais pas seulement.
"La France ne respecte pas ses engagements internationaux, et notamment la convention d’Istanbul", souligne la directrice générale de la FNCIDFF.
Une définition européenne du viol rejetée par Paris
L'article 36 de cette convention, pourtant ratifiée par la France, prévoit que les signataires de celles-ci "prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour ériger en infraction pénale" tous les actes à caractère sexuel "non consentis". Un terme non inscrit dans le Code pénal français.
En outre, la France s'est plus récemment opposée à une définition européenne du viol fondée sur l'absence de consentement lors des discussions à Bruxelles sur la première directive européenne portant sur les violences faites aux femmes.
Paris estimait notamment que le viol n'avait pas la dimension transfrontalière nécessaire pour être considéré comme un "eurocrime" et ne devait donc pas être intégrée dans cette directive. Une position qu'a défendue à nouveau Emmanuel Macron le 8 mars dernier.
"Je ne voulais pas qu'on rentre dans une définition de l'eurocrime. Ce n'était pas dans l'eurocrime, parce que pour le coup ça ne rentre pas dans cette catégorie-là", a estimé le chef de l'État, "par contre, qu'on l'intègre dans le droit français (...) ça je l'entends tout à fait".
La notion de consentement inscrite en Suède et en Espagne
Plusieurs pays, avant même ces discussions d'une définition européenne, ont fait évoluer ces dernières années leur propre définition du viol comme étant une atteinte sexuelle sans consentement explicite.
En Suède, une loi sur le consentement sexuel, qui considère comme viol tout acte sexuel sans accord explicite, même en l'absence de menace ou de violence, est en vigueur depuis 2018. Conséquence: le nombre de condamnations pour viol a augmenté de près de 75% de 2017 à 2019 dans le pays.
En Espagne, une loi - surnommée "Seul un oui est un oui" - a introduit depuis octobre 2022 l'obligation d'un consentement sexuel explicite. Des avancées saluées par Clémence Pajot, qui souligne qu'on ne veut pas que ce soit à la victime de démontrer l’absence de consentement mais à l’accusé d’être chargé de montrer qu’il s’est assuré du consentement libre éclairé et continu de la plaignante".
"Il faudra d'autres mesures"
Les propos d'Emmanuel Macron - que l'Élysée n'a pas souhaité commenter - rompent aussi avec les réserves émises par le ministre de la Justice. Éric Dupond-Moretti avait mis en garde début février contre le risque de "glissement vers une contractualisation des relations sexuelles", appelant à la "prudence" sur le sujet.
En mars dernier, il avait cependant assuré à Madame Figaro souhaiter "améliorer sans cesse nos outils, y compris juridique". S'il maintient son appel à la prudence, il a promis d'être "très attentif aux propositions qui seront faites pour améliorer si besoin notre loi pénale" à l'issue d'un travail parlementaire sur le sujet mené par la députée Véronique Riotton (Renaissance) et Marie-Charlotte Garin (écologiste).
"Je comprends cette crainte, mais je ne pense pas qu’il y ait de remise en cause de la loi abolitionniste française qui interdit l’achat d’un acte sexuel, avec l’ajout de cette notion de consentement dans la définition du viol", réagit encore Clémence Pajot auprès de BFMTV.com.
Cette dernière estime toutefois que cette éventuelle inscription dans le droit français ne sera pas suffisante: "il faudra d’autres mesures comme une meilleure formation des forces l’ordre pour recueillir la parole mais aussi une prise en charge par l’État du coût des procédures pour les victimes qui ne peuvent assumer la charge financière". Elle conclut sur un dernier enjeu, "celui de l’éducation à la sexualité afin de lutter contre la culture du viol qui infuse toute notre société".